Argentine : Vers l’annulation des lois protégeant les militaires ? Le président met à jour le passé... pour assurer son avenir20/08/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/08/une1829.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Argentine : Vers l’annulation des lois protégeant les militaires ? Le président met à jour le passé... pour assurer son avenir

Le président argentin Nestor Kirchner, entré en fonctions le 25 mai dernier, a lancé une campagne contre l'impunité qui couvre les crimes des responsables de la dictature militaire (1976-1983). Le 12 août, les députés argentins ont abrogé les lois protégeant les anciens tortionnaires de la dictature militaire. Rien ne garantit cependant que les militaires seront finalement condamnés, mais le président Kirchner espère au moins en tirer un bénéfice politique.

La dictature argentine a été particulièrement sanglante, entraînant la disparition de 30000 opposants, ouvriers combatifs, militants syndicaux ou politiques, allant des péronistes à l'extrême gauche trotskyste.

Deux lois, votées sous la présidence du radical Alfonsin, interdisaient de poursuivre les militaires pour des crimes commis sous la dictature: ils pouvaient en effet prétendre n'avoir fait qu' «obéir aux ordres». Quant aux chefs qui avaient donné ces ordres, cinq d'entre eux furent bien condamnés à des peines de prison en 1985, mais graciés en 1990 par le président Menem. En outre, un décret, aboli il y a trois semaines, interdisait d'extrader les criminels de la dictature. Les seuls faits pouvant faire l'objet de poursuites étaient ceux concernant des crimes commis vis-à-vis d'enfants de ces opposants. A ce titre, un certain nombre de hauts cadres de l'armée et de la marine sont aux arrêts, assignés à leur résidence personnelle.

Rien ne garantit que ce vote va ramener devant les tribunaux les militaires assassins. Les députés ont voté, certes. Mais les sénateurs doivent aussi se prononcer. Et finalement ce sera à la Cour suprême de justice de trancher. Tout cela peut prendre du temps et s'enliser, ce qui arrangerait quelque 2000 militaires qui risquent, sinon, de se retrouver sur la sellette.

Le problème réel de Kirchner, privé de deuxième tour à l'élection présidentielle par la défection de son adversaire Carlos Menem, est qu'il lui manque la légitimité que lui aurait donnée une victoire qui s'annonçait massive. Si on se réfère au résultat du premier tour, Kirchner ne représente que 22% des votants. A travers ces mesures, il cherche donc à élargir son crédit politique.

Après les nombreux scandales de l'époque de Menem, il tente d'apparaître comme celui qui vient faire le ménage d'un appareil d'État particulièrement corrompu.

Il s'est affiché avec la présidente des «grand-mères» de la Place de Mai, ces femmes qui recherchent la vérité sur les enfants de militants assassinés, adoptés par les militaires. Une ex-haut fonctionnaire, proche de Menem, connue pour s'être enrichie personnellement, vient d'être envoyée en prison. Kirchner a fait ouvrir les archives d'État sur un attentat antisémite perpétré en 1994 contre une mutuelle juive, de même que celles concernant l'accueil complaisant offert par l'Argentine aux anciens nazis après 1945.

Nul ne peut dire si cette volonté affichée d'en finir avec l'impunité des militaires et la corruption ira bien loin. En attendant, Kirchner a réussi à faire passer au second plan les échéances économiques et sociales qu'il lui reste à affronter.

Le chômage se situe toujours au-dessus de 20%. Les banquiers du FMI maintiennent leurs exigences avant d'accorder de nouvelles lignes de crédit à l'Argentine. Enfin, Kirchner doit, dans un avenir proche, imposer à une population, qui ne s'est pas encore remise de l'effondrement de décembre 2001, une augmentation générale des tarifs des ex-services publics rachetés par différents trusts français et espagnols. Il prend ainsi le risque de réveiller la protestation sociale. On verra alors ce que vaut le «crédit» de Kirchner.

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