Libéria : Vers la fin de la guerre civile ? rien n'est moins sûr07/08/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/08/une1827.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Libéria : Vers la fin de la guerre civile ? rien n'est moins sûr

L'intervention militaire qui a débuté le 4 août, sous l'égide de l'ONU et de l'organisation des pays de l'Afrique de l'Ouest, CEDEAO, est censée mettre un terme à la guerre civile que subit le Libéria presque sans interruption depuis quatorze ans. Cette force "d'interposition" atteindra un peu plus de 3000 hommes. Composée de troupes de six pays de la région, dominée par le Nigéria, elle a pour mandat de garantir le cessez-le-feu, de contribuer au maintien de l'ordre après le départ vers le Nigéria du dictateur sortant Charles Taylor (prévu pour le 11 août) et d'aider à l'acheminement de l'aide humanitaire. En revanche, la protection des civils, qui devait faire également partie du mandat de la force d'interposition, a finalement été retirée de la résolution de l'ONU - ce qui illustre où vont les priorités de cet organisme.

Or, après ces années de guerre civile qui ont coûté la vie à un quinzième de la population, détruit l'économie du pays et condamné la majorité de ses habitants à une vie de "réfugiés" ballottés au hasard de la guerre, la situation est devenue catastrophique.

La capitale, Monrovia, où ont afflué quantités de réfugiés, est privée d'eau courante et d'électricité depuis plus de 10 ans. Une grande partie des habitants y sont sans ressources et sans toit. Selon un chirurgien de Médecins sans frontières cité par Le Monde du 5 août, pour échapper aux bombardements à l'artillerie lourde depuis la reprise des combats ces dernières semaines, "des milliers de personnes se réfugient dans des écoles, s'entassant à soixante par classe pour dormir. Pas d'eau potable. Un ou deux sanitaires pour des milliers de personnes. Pas de nourriture." Les conditions sanitaires déplorables ont intensifié l'épidémie de choléra. Plus de 1000 personnes sont mortes depuis la reprise des combats, en particulier suite à des blessures graves dues aux bombardements, qu'elles n'ont pas pu faire soigner.

S'il y a une urgence, c'est bien de fournir à la population du Libéria les moyens matériels de survie dont elle a besoin, y compris d'ailleurs pour échapper à l'emprise des chefs de guerre. Cela représenterait certes une mobilisation importante de ressources, mais bien peu de choses par rapport aux moyens logistiques dont disposent les grandes puissances, compte tenu des 3,2 millions d'habitants que compte le pays.

Mais malgré ses prétextes humanitaires, tel n'est pas le but de l'intervention commanditée par l'ONU. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que les grandes puissances ont recours à la CEDEAO pour restaurer leur ordre dans la région. Entre 1990 et 1997, un contingent qui compta jusqu'à 18000 soldats, sous commandement nigérian, fut envoyé pour séparer les factions rivales au Libéria, dont celle de Taylor. Mais au lieu de cela, les généraux nigérians se mirent à leur propre compte, massacrèrent les populations, s'adonnèrent au trafic de diamants et de bois rares, imposèrent des taxes de transits dans les ports sous leur contrôle et contribuèrent à la multiplication des factions en créant leurs propres milices auxiliaires.

Or, rien ne garantit qu'une fois Taylor parti (si tant est qu'il parte), ses opposants n'explosent pas en factions rivales. Rien ne garantit non plus que les caciques de la force d'interposition ne cherchent pas à se payer sur le pays, au risque d'y relancer la guerre civile comme en 1990-1997. Ce qui est sûr en revanche, c'est que, dans un cas comme dans l'autre, la population paiera une fois de plus de son sang.

Pour les trusts et gouvernements impérialistes, le problème n'est pas la guerre civile: traiter avec un chef de guerre ne coûte pas forcément plus cher qu'avec un chef d'État, au contraire, et au besoin il peut assurer la sécurité des mines ou plantations occidentales. Mais il ne faut pas que les rivalités armées empiètent sur les profits en débordant sur des territoires ou des pays voisins, comme cela a été le cas entre le Libéria, la Sierra Leone et la Côte-d'Ivoire, par exemple. Dans ce cas, les grandes puissances sont prêtes à intervenir, directement comme en Sierra Leone ou en Côte-d'Ivoire hier, ou indirectement comme au Libéria aujourd'hui, pour ramener les factions au respect des règles du jeu.

Quant au sort des populations, il n'a rien à voir dans cette affaire.

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