Incendies de forêt : L'irresponsabilité de l'Etat07/08/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/08/une1827.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Incendies de forêt : L'irresponsabilité de l'Etat

Des dizaines de milliers d'hectares de forêt réduits en cendres, cinq morts : les incendies sont particulièrement violents cet été. Le gouvernement s'est empressé de mettre en cause les "pyromanes"; Sarkozy, puis Chirac ont promis une "répression exemplaire" et des "sanctions d'une extraordinaire sévérité". Mais même si des mauvais plaisants ou des déséquilibrés peuvent être à l'origine d'une partie des incendies, il reste que des élus, du Var notamment, dénoncent des "pratiques mafieuses". Les appétits immobiliers sont considérables dans la région, et des zones forestières classées inconstructibles peuvent, une fois brûlées, devenir plus tard constructibles... Par ailleurs, l'implantation de grandes villas éparpillées et isolées au milieu des forêts (ce qu'on appelle le "mitage") est interdite, mais peu d'élus ont les moyens de faire respecter cette interdiction. Les pompiers se trouvent ainsi, pour protéger ces propriétés en cas d'incendie, confrontés à des difficultés qu'ils dénoncent. Plus généralement, le problème du débroussaillage se pose dans toutes les communes -puisque celles-ci ont obligation de débroussailler les voies, routes et chemins sur leur territoire, comme les propriétaires autour de leur maison. Cela demande de l'argent et des moyens, dont les petites communes en particulier ne disposent pas nécessairement.

Des moyens de lutte insuffisants

La lutte contre les incendies de forêt ne dispose pas de moyens suffisants. Ces moyens existent pourtant. Après les feux dramatiques de 1989-1990, des mesures un peu sérieuses avaient été prises par le gouvernement: notamment, les zones brûlées avaient été déclarées inconstructibles; des coupe-feux avaient été installés dans les forêts. C'est aussi de cette époque que date la loi rendant obligatoire le débroussaillage autour des habitations isolées.

Ces mesures avaient permis de faire baisser d'un tiers les incendies dans les années qui avaient suivi. Mais peu à peu la vigilance s'est relâchée, les moyens financiers n'ont pas suivi... et après avoir gesticulé quelque temps, les pouvoirs publics ont à nouveau laissé aller les choses.

En 1995, l'État avait ensuite amorcé une timide tentative de contrôle en instaurant les PPRIF (Plans de protection contre les risques d'incendies de forêt). Il s'agissait d'imposer des conditions de sécurité en cas de construction dans les zones à risque sous la responsabilité des communes. Las! Dans tout le pays, aujourd'hui, seules trente communes se sont dotées d'un PPRIF... dont pas une seule dans le Var, pourtant le département le plus touché par les incendies!

Pour ce qui concerne cette année, le gouvernement ne peut prétendre sans mauvaise foi ne pas avoir été au courant des risques. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSP), une association qui regroupe les 4/5e des pompiers du pays, avait prévenu les pouvoirs publics depuis le mois de juin qu'on allait vers un été exceptionnellement dangereux. En vain. Mais comment le gouvernement pourrait-il faire croire qu'il se préoccupe tant soit peu du problème, quand il se prépare, à l'horizon 2006, à supprimer 600 postes de gardes forestiers? Comme le dit un responsable de la FNSP, "on a perdu la notion d'anticipation, sacrifiée sur l'autel des économies".

Mais la logique de la course au profit, et du profit à court terme, qui domine dans toute cette société, est incompatible avec le souci sérieux d'anticipation qui s'imposerait en matière d'environnement. On peut le constater non seulement face aux grands incendies de l'été, mais aussi face aux risques d'inondations graves, par exemple.

Mais l'État, au service du profit privé, irresponsable vis-à-vis de la société dans son ensemble, ne connaît sur ces problèmes que des soucis d'économies. Et c'est ce même sens de "l'économie" qui rend si insuffisants les moyens même de lutte contre les incendies. La France a dû demander de l'aide à d'autres pays comme la Grèce ou la Russie, et se faire prêter des avions ou des hélicoptères bombardiers d'eau. Impossible en effet de faire face à des incendies majeurs et nombreux, avec une flotte de 25 "Canadairs" sur l'ensemble du pays, même augmentée d'autres "bombardiers d'eau" d'accompagnement.

Alors, une simple comparaison vient à l'esprit: combien d'argent l'État français dépense-t-il, chaque année, pour acheter et entretenir les 355 avions de chasse qui composent la flotte, actuellement en service, de l'armée?

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