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- Lutte ouvrière n°1827
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Editorial
Encore moins de défense contre les "patrons-voyous"
le Journal officiel a publié le 27 juillet un décret réduisant de moitié le maximum des indemnités versées par "la Garantie de salaires" (alimentée par une cotisation patronale de 0,35% des salaires) pour les travailleurs des entreprises en faillite ou en liquidation judiciaire. C'est une mesure que le Medef réclamait depuis longtemps. Elle touchera surtout les cadres (et les salariés qui avaient une longue ancienneté dans l'entreprise). Mais elle n'en est pas moins scandaleuse, car une fois de plus le gouvernement montre qu'il est aux ordres du patronat.
Cette décision intervient dans un contexte où le nombre de chômeurs a encore augmenté de 25 900 en juin, et est officiellement de 2 404 200. C'est dû aux plans dits "sociaux" qui se succèdent sans cesse, mais aussi au nombre croissant de "licenciements pour motif personnel", dont le quotidien économique Les Echos, que personne ne saurait taxer de pro-ouvrier, titrait le 29 juillet qu'ils étaient "érigés en outil de management", c'est-à-dire de gestion des intérêts financiers des entreprises.
Non seulement le gouvernement ne fait rien pour s'opposer à ces vagues de licenciements, mais il vient même de décider de prendre en charge 50% du coût des études demandées par les entreprises pour la conception des plans de licenciements. Autrement dit, les patrons qui voudront préparer des licenciements pourront faire payer les études préparatoires pour moitié par l'État!
On se souvient qu'après la fermeture de Metaleurop, Chirac avait condamné les "patrons voyous", qui disparaissaient sans crier gare et sans verser à leurs salariés, condamnés au chômage, la moindre indemnité. Eh bien, les décisions que prennent Chirac et Raffarin montrent ce qu'il faut penser de leur prétendue indignation.
C'est toujours le même raisonnement qu'on nous sert: ce qui serait bon pour les entreprises (c'est-à-dire pour le patronat) serait bon pour la société tout entière. C'est au nom de "l'intérêt général" que le Conseil constitutionnel vient ainsi d'entériner la baisse de l'impôt sur la fortune. Mais quand des salariés perdent leur emploi, ils perdent bien plus qu'un patron qui ferme son entreprise, même quand celui-ci a vraiment fait faillite. Car si dans ce cas les détenteurs de capitaux perdent ce qu'ils ont investi (et qui a déjà bien souvent été plusieurs fois amorti), ils gardent leur fortune personnelle, leur villa, leur yacht, leurs comptes en banque personnels, alors que pour bien des salariés, se retrouver au chômage, c'est devoir renoncer à la petite maison ou à l'appartement, à la voiture, pour lesquels on s'était lourdement endetté.
Et la plupart du temps, ce n'est pas la mauvaise marche des affaires, mais la recherche d'un taux de profit encore plus important, qui explique licenciements et restructurations.
Seulement tout cela se décide dans le secret des conseils d'administration, sans que les travailleurs aient les moyens de savoir le pourquoi et le comment des choses. C'est pourquoi, il est nécessaire d'imposer, avec l'interdiction des licenciements collectifs, la suppression des secrets bancaire, industriel et commercial, et le libre accès des travailleurs à la comptabilité des entreprises, afin que chacun puisse savoir où va l'argent, à qui profitent les richesses produites. Sans ce contrôle des travailleurs sur la marche de leur entreprise, il n'y a d'ailleurs pas de démocratie possible.
Alors bien sûr, il ne faut pas compter sur le gouvernement, qui ne songe qu'à faire plaisir au baron Seillière et au grand patronat, pour prendre de lui-même de telles mesures. Pas plus que sur une nouvelle mouture de la "gauche plurielle", qui a largement démontré dans le passé qu'elle n'avait pas d'autre politique économique que la droite. Mais les travailleurs, qui représentent le nombre, et sans qui rien ne fonctionnerait dans le pays, pour peu qu'ils prennent conscience de leur force, ont la possibilité d'imposer ces mesures. C'est en tout cas la seule voie à suivre pour ne pas être systématiquement sacrifiés au nom de l'intérêt général... du capital.