Obligeons Chirac et Raffarin à remballer leurs projets, sinon nous le paierons cher à l'avenir05/06/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/06/une1818.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Obligeons Chirac et Raffarin à remballer leurs projets, sinon nous le paierons cher à l'avenir

La journée du 3 juin a encore été un succès, dont ont témoigné dans toutes les villes le nombre des manifestants, mais aussi leur détermination et le grand nombre des secteurs représentés. Les personnels de l'Éducation nationale formaient toujours le gros des cortèges, mais ils étaient rejoints par des travailleurs de nombre d'autres entreprises, du secteur public mais aussi du secteur privé.

Le gouvernement Chirac-Raffarin et ses ministres, aidés par la presse, tentent de minimiser la mobilisation et d'adopter un ton d'inflexibilité pour proclamer qu'ils ne céderont pas aux revendications des enseignants et qu'ils ne reviendront pas en arrière sur les retraites.

Mais le gouvernement ne se sent pas tellement sûr que cela. Pour preuve le report du projet de loi sur "l'autonomie" des universités. Pour preuve aussi les offres de discussion avec les syndicats d'enseignants du primaire et du secondaire sur la décentralisation des services annexes de l'Éducation nationale, une décentralisation dont le gouvernement dit alternativement qu'il n'est pas question de la remettre en cause ou bien, au contraire, que "tout est négociable"...

Mais pour le moment, les esquisses de recul du gouvernement ne concernent pas la principale menace qui pèse sur tous les travailleurs du privé et du public, Éducation nationale comprise, représentée par les attaques sur les retraites.

Raffarin prétend que son projet est le seul moyen de sauver le système des retraites qui serait autrement voué à la faillite... dans trente ou quarante ans. Le fait de prétendre être capable de faire des prévisions à aussi long terme, alors que le gouvernement en est réduit à changer tous les trois mois ses prévisions de croissance, est tout simplement ridicule. Et puis, en admettant qu'elles soient justes et qu'il faille augmenter le montant des rentrées dans les caisses de retraite, pourquoi faudrait-il que ce soit les travailleurs qui fassent les frais de l'opération, en cotisant plus longtemps, pour toucher une pension plus faible? Pourquoi ne pas augmenter les cotisations patronales? Cela, ni Chirac-Raffarin ni d'ailleurs les dirigeants socialistes ne l'envisagent un seul instant.

Rocard, qui fut Premier ministre socialiste sous Mitterrand, vient de se déclarer solidaire de Raffarin. Et pour cause: c'est lui qui avait préparé les premières attaques contre les retraites, qui furent mises en oeuvre par Balladur, et pas remises en cause par Jospin lorsqu'il était au pouvoir. Et il a été rejoint par d'autres responsables socialistes comme Charasse et Delors. Ils estiment et disent qu'il vaut mieux que les projets contre les retraites passent maintenant, sans quoi ce serait plus tard, peut-être, parce qu'un éventuel gouvernement socialiste aurait à les faire passer.

C'est que tous ces politiciens sont au service de la grande bourgeoisie. Leur monde, c'est celui des profits extorqués aux travailleurs mal payés, jetés à la rue quand ils ne rapportent plus assez de bénéfices, des énormes "commissions", c'est-à-dire des pots-de-vin versés en échange de quelques menus services et qu'un procès comme celui d'Elf fait parfois émerger. Et c'est pour permettre à tout ce beau monde de s'enrichir davantage que ces gens-là s'en prennent aux retraites des travailleurs, déjà misérables pour beaucoup.

La seule chose qui peut embarrasser ce gouvernement, qui apparaissait si sûr de lui pour s'attaquer aux travailleurs de tous les secteurs, c'est bien cette montée du mécontentement qui s'exprime à travers les manifestations et les grèves. C'est pourquoi il faut que la puissance des travailleurs continue à s'exprimer.

Le gouvernement cherche à diviser. Il a essayé d'opposer les salariés du privé et ceux du secteur public. Il fait mine de s'étonner que les cheminots, qui ne sont pas (encore) touchés par ses plans soient dans la lutte. Mais le succès des manifestations prouve que les travailleurs sont de plus en plus nombreux à comprendre qu'ils sont tous visés par les attaques du gouvernement, et que c'est tous ensemble qu'ils le feront reculer.

Les directions syndicales, qui appellent aux journées de manifestations, et maintenant à poursuivre le mouvement et à une nouvelle journée le 10 juin, entraînent à la lutte. Mais elles ne proposent pas clairement d'obliger le gouvernement à ravaler tous ses projets. Elles demandent surtout à les discuter, ce qui laisse place à l'arrêt des luttes moyennant quelques aménagements autour du tapis vert du projet gouvernemental.

Mais pour les travailleurs, pour tous les travailleurs, c'est de leur vie qu'il s'agit. C'est à tous que l'on veut imposer les quarante ans de cotisation, et explicitement quarante-et-un, puis quarante-deux ans d'ici peu. On veut leur imposer en fait de reculer l'âge de la retraite, alors que le patronat se débarrasse tous les jours des travailleurs les plus âgés, ce qui fait que lors de leurs dernières années avant la retraite, ils ne cotiseront que sur des indemnités de chômage ou sur le Smic.

Chirac, Raffarin, Fillon osent dire qu'ils parlent au nom des électeurs. Ils prétendent parler au nom des 82% qui ont voté Chirac à la présidentielle grâce à l'intox à laquelle la gauche a participé. Mais aux législatives, ils n'ont eu qu'un peu plus de la moitié des voix. Ils n'ont aucune légitimité à parler et agir au nom de tous.

Alors, il faut que les travailleurs continuent à se faire entendre, que les grèves et les manifestations continuent et s'élargissent. C'est la force des travailleurs en lutte qui peut faire reculer Chirac, Raffarin, Fillon et autres et les contraindre à remiser leurs projets.

Partager