Le sommet du G8 à Evian : Farce diplomatique et hypocrisie05/06/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/06/une1818.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Le sommet du G8 à Evian : Farce diplomatique et hypocrisie

La grand-messe annuelle des chefs d'État du G8, c'est-à-dire des principales puissances de la planète, n'a jamais eu pour but de prendre des décisions -si ce n'est, peut-être, dans les coulisses, et sans qu'elles soient jamais rendues publiques.

Le sommet du G8 qui vient de se tenir à Evian n'a pas fait exception. On y a échangé beaucoup de grands discours et, paraît-il, quantité de cadeaux de valeur. On y a fait assaut de petites phrases bourrées de sous-entendus, accompagnées de poignées de main très médiatisées. En fait de réunion de travail entre des gouvernements qui détiennent entre leurs mains le sort de l'essentiel de la planète, il a surtout ressemblé à une mauvaise farce diplomatique.

En fait, quel qu'ait été son ordre du jour officiel, le rôle principal de ce sommet était de consacrer le raccommodage entre grandes puissances après les tensions liées à l'invasion de l'Irak.

Ce raccommodage avait déjà été largement ébauché par l'adoption à l'unanimité au Conseil de sécurité de l'ONU d'une résolution qui non seulement entérine a posteriori l'agression impérialiste contre l'Irak, mais en plus donne sa caution à l'occupation quasi-coloniale de ce pays par les forces anglo-américaines. Mais le fait que les membres du prétendu "camp de la paix" -France, Allemagne, Russie et Chine- se soient rendus sans conditions (pour autant qu'on le sache) aux exigences de Bush, n'a pas pour autant tari lesdites exigences. Et c'est ce que l'on a vu au cours de ce sommet.

Chirac et Poutine ont eu beau multiplier les gestes de bonne volonté à l'égard de Washington, rien n'y a fait. Bush, fort de la position de force qu'il a désormais acquise, a par exemple annoncé son "Initiative de Sécurité contre la Prolifération" qui consiste ni plus ni moins en ce que les États-Unis s'arrogent le droit d'arraisonner n'importe quel navire en tout point du globe, sous prétexte de contrôler les exportations d'armes et de matériels susceptibles d'avoir un usage militaire. C'en serait donc fini de l'extraterritorialité dont bénéficient la plupart des mers du globe et, par la même occasion, des petits (et gros) trafics auxquels se livrent les marchands d'armes, français entre autres, qui risqueraient de passer ainsi sous tutelle américaine. Ce qui n'a pas fait plaisir à Chirac, bien entendu.

Comme il fallait bien conclure sur une note positive dans la meilleure tradition diplomatique, tout ce beau monde est quand même tombé d'accord pour prédire une reprise prochaine de l'économie mondiale, maintenant que "l'hypothèque irakienne est levée", et cela alors même que le directeur-général du Fonds Monétaire International reconnaissait que "la fin de la guerre en Irak n'a pas suffi à lever les incertitudes". Qu'importe, pour ces chefs d'État qui, il n'y a pas si longtemps, portaient encore aux nues la chimère de la "nouvelle économie", la bonne vieille méthode du docteur Coué en vaut bien une autre!

Quant aux vrais problèmes, en particulier celui de la situation de plus en plus dramatique des pays d'Afrique, qui était censé être le principal point à l'ordre du jour, il est passé à la trappe.

Sans doute Chirac s'est-il payé son heure de "bonne conscience" en prenant l'initiative, en tant qu'organisateur de ce sommet, d'inviter pour une journée un certain nombre de chefs d'État du Tiers Monde (notre photo). Il a pu ainsi verser quelques larmes hypocrites sur les malheurs des pays pauvres et même poser lui aussi à l'antimondialiste en accordant son soutien à la proposition du président brésilien Lula de "prélever une partie du surcroît de richesse que dégage la mondialisation" pour financer la lutte contre la sous-alimentation. Mais tout cela n'engageait à rien et ne coûtait rien, et c'est bien pourquoi Chirac, Blair et les autres pouvaient se permettre de marquer tant d'enthousiasme.

Parce que, en revanche, lorsqu'il s'est agi de passer aux choses sérieuses, comme par exemple de prendre des mesures efficaces pour organiser la lutte contre le sida qui ravage l'Afrique aujourd'hui, le blocage a été net. On a bien envisagé (pour la nième fois) de dégager des fonds, mais aucune décision ferme n'a été prise. Quant à contraindre les trusts pharmaceutiques occidentaux à vendre les médicaments contre le sida à des prix abordables pour les pays pauvres, ou bien à permettre à ces pays de produire ces médicaments à bas prix malgré les brevets qui les couvrent, il n'en a même pas été question. Tant il est vrai que, pour ces représentants patentés du capital, les vies humaines ne valent rien, que ce soit celles des populations pauvres africaines décimées par le sida parce que victimes d'une guerre économique ignoble, ou celles des Irakiens morts sous les bombes d'une guerre d'agression impérialiste.

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