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Maroc : Les changements de façade du régime
Les résultats (encore provisoires mardi 1er octobre) des élections au Parlement marocain du 27 septembre, confirmeraient, selon la plupart des commentateurs, la transparence et la régularité du scrutin, tranchant ainsi sur ceux qui l'ont précédé. Pourtant, régulier ou pas, celui-ci ne changera pas grand-chose à la situation du pays. Ne serait-ce qu'à cause du rôle de ce Parlement : les députés ne pèsent guère devant les ministres du roi, et un simple décret royal peut contredire les lois qu'ils votent.
Vingt-six formations politiques, parfois créées pour la circonstance, avaient été autorisées à présenter des candidats pour les 325 postes à pourvoir. Les résultats mettent en évidence la progression des islamistes. Le Parti de la Justice et du Développement, le PJD, seule formation islamiste autorisée à présenter des candidats dans ces élections, est passé de 14 à 41 élus, progression qui s'effectue en faveur d'une organisation qui ne s'affirme pas comme une opposition radicale au roi du Maroc, sensé être lui-même le " commandeur des croyants ". Le PJD avait d'ailleurs, en gage de bonne volonté en quelque sorte, décidé de modérer ses ambitions et de ne présenter des candidats que dans 56 des 91 circonscriptions que compte le Maroc afin de limiter, déclarait-il, sa présence au futur Parlement...
De son côté, le vieux parti nationaliste Istiqlal, associé au pouvoir depuis 1976 et partenaire dans le gouvernement sortant, obtient 47 sièges. D'ores et déjà, une coalition entre l'Istiqlal et le PJD dans un gouvernement de soutien au roi est donnée comme probable tandis que l'Union Socialiste des Forces Populaires, l'USFP, le parti de l'actuel Premier ministre Youssoufi, obtient 49 députés.
Le 11 octobre prochain, le roi désignera le nouveau Premier ministre, chargé de former un nouveau gouvernement. Mais la population pauvre du pays n'a guère d'illusion à se faire sur ce qu'il lui réservera.
En fait, la devanture politique du Maroc a été à peine modernisée, avec par exemple, dans le nouveau Parlement, un contingent de 30 sièges réservés aux femmes. Mais cela s'accompagne du maintien de l'exclusion du vote de 2,5 millions (sur 14 millions d'électeurs) de Marocains émigrés, le plus souvent vers l'Europe, pour la plupart des travailleurs qui représentent la première source de devises du pays, loin devant le tourisme ou les phosphates. Et surtout, ces élections se sont déroulées sur un fond de misère qui, lui, n'a pas changé depuis que Mohammed VI a succédé à son père, Hassan II, en juillet 1999.
La corruption de l'administration à tous les échelons, l'analphabétisme (70 à 80 % chez les femmes), le chômage (qui atteint des taux de 50 à 60 % dans certaines zones rurales du sud du Maroc), le manque d'infrastructures de toute sorte (électrification, réseaux d'eau potable, tout-à-l'égout, écoles, dispensaires, hôpitaux, etc.), demeurent. 20 % de la population vit toujours en dessous du seuil de pauvreté, les campagnes manquent de tout tandis que les villes grossissent d'énormes bidonvilles, sous l'afflux de tous ceux qui espèrent trouver un emploi. Tandis que la situation économique générale est catastrophique, rien n'est fait pour entreprendre les travaux indispensables, qui pourraient améliorer rapidement la situation de la population des quartiers populaires des villes et des villages coupés de tout. Le dénuement côtoie le luxe d'une poignée de nantis, plus ou moins proches du pouvoir, et les profits des capitalistes, marocains ou pas, parmi lesquels figurent en bonne place quelques investisseurs français. Comme par exemple, Amendis, filiale de Vivendi et concessionnaire de la distribution d'eau et d'électricité à Tanger.
L'actuel gouvernement repose sur une coalition hétéroclite, de sept partis, mise en place par Hassan II, maintenue par Mohammed VI et conduite par Youssoufi. Ce gouvernement avait été à l'époque qualifié de gouvernement de l'alternance. En fait, il aura été un allié fidèle du trône, occupé par le père puis par le fils. Le changement de façade avait surtout garanti l'immobilisme tandis que le régime continuait à étouffer par la répression toute expression d'une opposition organisée, en particulier des syndicalistes et des opposants laïcs au pouvoir.
Le nouveau gouvernement qui se mettra en place après le 11 octobre apportera sans doute, à son tour, un nouveau changement de façade, avec notamment l'arrivée des islamistes. Mais il s'inscrira surtout dans la continuité de ses prédécesseurs. A moins que la population, saturée de misère et de désespoir, ne le contraigne à tenir compte enfin de ses besoins, de ses aspirations et de sa volonté de sortir du dénuement.