Le projet de " sécurité intérieure " de Sarkozy : Plein pouvoir à la police04/10/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/10/une1783.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Politiciens

Le projet de " sécurité intérieure " de Sarkozy : Plein pouvoir à la police

La publication, par Le Monde du 27 septembre, de la teneur du projet de loi sur la sécurité intérieure, rédigé par Sarkozy, a de quoi inquiéter. Mais ce projet ne peut surprendre que ceux qui pouvaient croire que Sarkozy, et dans son ombre, Chirac, étaient de vrais protecteurs des libertés et des droits démocratiques.

Dans ce projet, les pouvoirs de la police sont considérablement renforcés. De lourdes amendes, voire des peines de prison sont prévues pour réprimer les délits de mendicité, la prostitution, mais aussi les jeunes qui se réunissent pour parler entre eux au bas des immeubles. La délation anonyme serait officialisée, la possibilité d'établir des écoutes téléphoniques considérablement élargie, le droit de la police de fouiller les coffres des véhicules étendu. Elle aurait la possibilité de consulter les fichiers privés.

Le gouvernement s'est empressé, non pas de démentir l'existence de ce projet, comme on l'a entendu, mais de déclarer que ce n'était qu'un " brouillon ", et que le projet définitif ne serait connu que lors de sa présentation devant le Conseil des ministres, le 23 octobre prochain. La combine n'est pas nouvelle. Elle consiste à présenter les choses sous le jour le plus noir, pour pouvoir l'atténuer ensuite, et ainsi faire croire que l'on a échappé à pire.

N'empêche que, même si toutes les mesures annoncées ne figurent pas dans ce qui sera proposé, puis adopté par les Assemblées, le ton est donné, confirmant une orientation prévisible. Répondant à l'avance à ceux qui aujourd'hui s'insurgent, et il y a de quoi, contre ces mesures, et les narguant quelque peu, Sarkozy s'est fendu d'un communiqué, dans lequel il affirme que " le peuple français a clairement exprimé ses attentes en matière de sécurité ". Il est de bonne guerre, de sa part, de faire allusion aux résultats électoraux de la droite, y compris à l'adresse de ceux qui, à gauche, y ont contribué.

Mais il n'y a même pas à attendre de ces mesures qu'elles améliorent grand-chose en matière de sécurité, y compris la sécurité de ceux qui, n'ayant rien à se reprocher, peuvent croire qu'elles ne les concernent pas, et les protégeront mieux qu'auparavant. Car plus encore qu'auparavant ce sera aux " forces de police " de décider qui cela concerne ou pas. Elles ne s'embarrassaient pas toujours à respecter la loi - il suffit de se rappeler l'usage bien peu légal des écoutes téléphoniques commandées par Mitterrand. Mais ce qu'elles faisaient parfois hors la loi, sera légalisé demain. Et qui peut dire qu'il sera à l'abri d'une mise sur écoute, d'une dénonciation anonyme, de l'utilisation d'un fichier privé, surtout s'il est syndicaliste ouvrier ou militant politique ?

La sécurité elle-même sera-t-elle améliorée du fait que la police disposera de plus de moyens matériels et juridiques ? Il serait naïf de le croire. Le chômage qui atteint les quartiers populaires, le désoeuvrement imposé à une partie des jeunes qui y vivent, la pauvreté matérielle et, du coup, morale qu'il engendre constituent la principale source de cette insécurité qui pourrit la vie de ceux qui vivent dans ces quartiers. Et les mesures proposées par le gouvernement Sarkozy-Chirac n'y changeront rien.

Aujourd'hui le ministre de l'Intérieur se pose en défenseur de " ceux qui passent deux heures dans les transports en commun, habitent dans les quartiers où personne ne veut habiter et scolarisent leurs enfants dans les écoles où personne ne veut les mettre ". Qu'est-ce qu'il connaît de cette réalité, ce maire de Neuilly ? Et en même temps ce gouvernement, dont il est, nous dit-on, le numéro 2, ne cesse de supprimer des emplois précisément dans ces écoles, il se prépare à consacrer moins d'argent aux transports publics, à l'habitat social, aux hôpitaux. Les milliers de surveillants qui, l'an prochain, manqueront dans les lycées et les collèges, cela voudra dire, par exemple, des entrées d'établissement encore moins bien surveillées, des rackets plus faciles, bref, encore plus d'insécurité.

Sarkozy et les politiciens de son acabit n'ignorent rien de cela. Mais ce n'est pas à l'insécurité qu'ils veulent faire la guerre, ils veulent se donner l'air d'hommes d'ordre, en désignant, par avance, les démunis comme des semeurs de désordre en puissance. En agissant de la sorte, Sarkozy engage un peu plus une guerre contre les pauvres, tout en laissant la pauvreté s'aggraver.

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