Le naufrage du Joola : Une catastrophe qui ne doit rien à la fatalité04/10/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/10/une1783.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Le naufrage du Joola : Une catastrophe qui ne doit rien à la fatalité

Depuis le naufrage du ferry Joola, jeudi 26 septembre, le nombre recensé des victimes et des disparus ne cesse d'augmenter. Conçu pour transporter cinq cent cinquante passagers, le bateau qui reliait Ziguinchor, en Casamance, à Dakar, la capitale du Sénégal, en comptait plus d'un millier à son bord. Le bilan de ce drame est très lourd : neuf cent soixante morts ou disparus. A peine plus de soixante survivants.

Face à la colère des familles des disparus qui ont multiplié les protestations sur le port de Dakar et devant la présidence, réclamant la démission du ministre des Transports, le président Abdoulaye Wade a désavoué ses ministres qui mettaient le naufrage sur le compte de la seule tempête. Une commission d'enquête a été mise sur pied.

Et en fait cette catastrophe maritime, la plus importante que l'Afrique ait connue, ne doit rien à la fatalité. Le bateau était surchargé en hommes mais aussi en marchandises, en voitures, en camions. Par ailleurs, ce bateau avait connu plusieurs avaries ces dernières années. Le jour même de sa remise en circulation - avec tous les officiels sénégalais à son bord -, le bateau avait dû faire demi-tour à cause d'une énième avarie ! Aujourd'hui, on est en droit de demander des comptes à l'État, propriétaire du navire.

Ce bateau était la seule liaison régulière entre la Casamance, considérée comme " grenier " du Sénégal, et la capitale. Il permettait de ravitailler Dakar en produits frais et en marchandises. Ce pays de plusieurs millions d'habitants ne dispose que de deux grands axes de communication - maritime et routier - pour relier le nord et le sud du pays, totalement enclavé entre la Gambie et la Guinée-Bissau. Et si tant de personnes se pressent pour prendre le bateau, c'est que l'axe routier est peu sûr à cause des rebelles indépendantistes et des militaires sénégalais qui rançonnent la population. De plus, camions et voyageurs sénégalais doivent transiter par la Gambie - petit pays qui coupe le Sénégal en deux - et emprunter un bac pour traverser le fleuve du même nom. En juillet dernier, les autorités gambiennes ont doublé les taxes imposées aux camions et aux voitures de passagers, le transit sénégalais étant une importante source de devises. Pour rejoindre Dakar, il faut soit prendre le bateau, soit contourner la Gambie et faire ainsi neuf cents kilomètres sur des routes défectueuses au lieu des quatre cent cinquante habituels qui séparent Ziguinchor de la capitale.

Cette catastrophe n'est donc pas due à la seule fatalité. Surcharge et défaillances techniques ajoutées au mauvais temps sont vraisemblablement les causes premières. Mais il en est d'autres bien plus profondes : la pauvreté et le sous-développement. L'État sénégalais peut engager sa responsabilité pour essayer de désamorcer la colère de la population, cela ne lui coûte pas grand-chose. L'argent de l'État passe essentiellement dans les dépenses militaires afin d'entretenir une guerre coûteuse en Casamance pour le seul prestige de l'armée... et dans les poches des politiciens et hauts fonctionnaires corrompus !

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