Décentralisation : Des économies sur les services publics04/10/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/10/une1783.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Décentralisation : Des économies sur les services publics

La décentralisation proposée par Raffarin, cette réforme que le gouvernement intitule pompeusement " pour une République décentralisée ", sera présentée le 16 octobre au Conseil des ministres. Elle vise, nous explique-t-on, à augmenter les compétences des collectivités locales, et en particulier de la Région. Ce projet de loi devrait voir le jour en 2003. Mais contrairement à ce que le gouvernement voudrait faire croire, ce projet ne donnera pas à la population plus de possibilités d'influer sur les décisions qui les concernent directement et de contrôler ce que les élus font en leur nom. Ceux qui gèrent au niveau local sont des notables qui n'ont aucun compte à rendre à la population, et qui sont en place pour la durée de leur mandat, et donc irresponsables devant leurs électeurs pendant ce laps de temps. En fait, le gouvernement veut utiliser la décentralisation comme un moyen pour réaliser des économies centralement en les transférant localement.

Il serait question, par exemple, d'entériner le transfert sur les régions de secteurs comme la gestion du personnel administratif des lycées, ou de l'entretien des routes nationales. Le recrutement du personnel non enseignant de l'Education nationale se ferait par le biais des collectivités locales, et non plus au niveau de l'État. Les ouvriers qui entretiennent les bâtiments et les personnels des cantines seraient ainsi les premiers " décentralisés ".

Cette décentralisation est dans la droite ligne de celle de 1982-1983, votée par la gauche, avec l'assentiment de la droite. La gauche la présenta à l'époque comme un moyen de démocratiser la vie politique. Mais la décentralisation n'a été en rien cette réforme démocratique qu'on nous promettait, permettant un réel contrôle de la population sur les décisions.

L'État certes a pu se débarrasser par exemple sur les communes de la construction et de l'entretien des écoles primaires, des transports urbains, et surtout du logement et de l'urbanisme. Aux départements, il a laissé la responsabilité des collèges et transports scolaires, des bibliothèques centrales de prêt, de l'aide sociale, des ports maritimes, de l'aménagement rural et des routes. Aux régions, il a confié la formation professionnelle et l'apprentissage, l'aide directe aux entreprises, les transports régionaux, puis en 1986, la construction, l'équipement et l'entretien des lycées. Les collectivités locales, qui emploient au total 6 % de la population active, assurent ainsi aujourd'hui les trois quarts de l'investissement public, et l'État seulement le quart restant.

L'État s'était engagé à ce que chaque transfert de compétence se traduise par un transfert financier équivalent, mais les collectivités locales peuvent constater que l'État a rogné sur l'argent transféré. L'exemple des lycées est significatif. Lorsque l'État les a affectés aux régions, il y a belle lurette qu'il n'assumait plus ses responsabiblités. Et bon nombre de bâtiments étaient dans un état de délabrement nécessitant des travaux importants et urgents : les collectivités locales ont été obligées de faire au moins un minimum. Mais l'argent transféré par l'État en 1986 avait été calculé sur ce qu'il avait dépensé en 1985, qui ne représentait que les dépenses courantes et non les réparations importantes. Le budget des régions a été alourdi d'autant.

Il en est de même en ce qui concerne les transports : l'État laisse chaque région négocier des contrats avec la SNCF. Cela permet parfois de maintenir certaines dessertes dites non rentables, à condition de combler le déficit d'exploitation auprès de la SNCF, ou d'obtenir du matériel roulant neuf ou rénové, à condition que la région le finance elle-même. En effet, l'État, via la SNCF, n'assume plus que le financement des infrastructures et des lignes à grandes distances. Le reste du service, comme la mise en circulation des trains régionaux et locaux, leurs fréquences de passage, se décident en fonction de ce que les régions sont prêtes à payer. Du coup dans la Région Picardie, par exemple, cet été les usagers ont dû se mobiliser contre les changements d'horaires, décidés sans leur avis (où est la démocratisation tant vantée ?). L'objectif était de supprimer des arrêts si les usagers y étaient trop peu nombreux.

Quand le gouvernement prétend rendre les décisions plus démocratiques, c'est du bluff. D'autant que ce sont surtout nombre de notables locaux qui se frottent les mains de voir leur pouvoir augmenter.

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