2 000 euros d'amende pour 2 jours d'absence : Le gouvernement veut faire payer les familles en difficulté04/10/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/10/une1783.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans l'enseignement

2 000 euros d'amende pour 2 jours d'absence : Le gouvernement veut faire payer les familles en difficulté

Le gouvernement dit vouloir lutter contre l'absentéisme scolaire et a réuni un groupe de travail chargé d'élaborer des mesures. Une de ces mesures serait de sanctionner les parents par une amende allant jusqu'à 2 000 euros (soit plus de 13 000 F !) si leur enfant manque trop souvent l'école.

Est considéré comme absentéiste tout élève qui s'absente plus de quatre demi-journées par mois sans motif. La déscolarisation qui touche parfois les très jeunes est un réel problème auquel sont confrontés les enseignants, bien souvent démunis quand le jeune est en rupture totale avec l'école et son milieu social. Mais infliger une amende, de plus aussi lourde, à la famille ne pourra pas régler le problème.

Une mesure qui s'attaque aux plus démunis

Dans certains cas, pour se dérober à la sanction, les parents essaieront de justifier par tous les moyens le fait que leur enfant ait " séché " les cours, ce qui ne renforcera ni leur autorité, ni celle des enseignants. Mais surtout, cela ne pourra qu'accentuer encore plus leur détresse, alors que justement les familles dont les enfants ne vont pas régulièrement à l'école sont souvent celles qui connaissent déjà des difficultés matérielles. Car ce n'est pas dans les beaux quartiers, mais bien parmi les milieux défavorisés, que sévit l'absentéisme scolaire.

Comment donner le goût de l'école à un enfant quand il est le seul à se lever le matin de bonne heure, ses parents étant au chômage depuis des années ? Comment contrôler la fréquentation scolaire des jeunes quand ils vivent à tour de rôle chez des membres de leur famille, ou chez des amis ? Il est facile d'accuser les parents de démissionner quand on ne fait rien pour leur venir en aide et qu'on les laisse se débrouiller tout seuls face à la difficulté de leur situation.

Il existe déjà un texte, datant de 1946, qui autorise le retrait des allocations familiales quand les enfants sont dans une situation de " non-fréquentation scolaire ". L'an passé, 9 000 familles ont été sanctionnées de cette façon. C'est énorme, mais heureusement, les dossiers transmis aux caisses d'allocations familiales sont loin de couvrir la totalité des jeunes absentéistes, que l'on estime à plus de 100 000. Les éducateurs - et c'est heureux - ont conscience que c'est par la prévention plus que par la sanction que l'on peut remédier à cet état de fait. Et si l'on menace les jeunes d'informer les caisses d'allocations familiales, cela se fait comme un moyen de pression supplémentaire pour tenter de les raisonner, non comme la menace absolue que certains responsables académiques (comme à Créteil) aimeraient que l'on brandisse plus souvent.

Lutter contre l'absentéisme : une affaire de moyens

Dans beaucoup d'établissements classés Zone d'Education Prioritaire (ZEP) ou Zone sensible, là où il y a le plus d'absentéisme, les surveillants ou les conseillers d'éducation téléphonent immédiatement aux parents, à leur domicile ou à leur travail, pour leur signaler l'absence de leur enfant. Et bien souvent, cela suffit, même s'il faut constamment recommencer. Certains, quand la géographie et le nombre de surveillants le permettent, vont même jusqu'à chercher le jeune à son domicile. Quand les établissements sont à taille humaine, pas besoin de codes-barres sur chaque élève (que l'on nous présente comme une panacée) pour savoir qui est présent ou absent. Un contrôle, le suivi des jeunes, des sanctions adaptées et des encouragements sont bien plus efficaces que les gadgets ou les menaces sur les familles.

Seulement, pour mener cette politique préventive, pour redonner aux jeunes en rupture l'envie de revenir à l'école et le goût d'apprendre, cela nécessite des moyens humains, c'est-à-dire budgétaires. Ces jeunes qui " sèchent " sont ceux qui connaissent déjà des difficultés scolaires, pour la plupart. Ils auraient besoin d'être repris par petits groupes et systématiquement encadrés. Or, au contraire, le gouvernement s'apprête à diminuer de près de 5 000 le nombre de postes de surveillants dans les écoles et de 18 000 celui des aides-éducateurs (emplois-jeunes), ceux qui sont le plus à même de contrôler les absents et qui, de par leur âge autant que par leur fonction, peuvent gagner plus facilement la confiance des élèves. Au lieu d'embaucher des enseignants, le gouvernement annonce que les départs à la retraite, nombreux dans les prochaines années, ne seront pas systématiquement remplacés. Les rectorats font pression sur les chefs d'établissement pour qu'ils bourrent les classes, y compris en ZEP, etc.

Donner des moyens à l'Education nationale pour que tous les enfants aient des chances de s'en sortir, à commencer par ceux qui en ont le plus besoin parce que leur milieu social ne peut leur donner facilement accès à la connaissance, n'est pas un choix du gouvernement.

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