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Inde Pakistan : Menaces de guerre et responsabilités de l'impérialisme
Le sommet sur la sécurité asiatique, qui s'est ouvert le 4 juin au Kazakhstan, avec la participation de seize gouvernements de la région, était censé offrir à la Russie et à la Chine l'occasion de jouer les médiateurs entre les gouvernements indien et pakistanais. Or, avant même que s'ouvre ce sommet, les duels d'artillerie lourde entre forces indiennes et pakistanaises s'intensifiaient le long de la " ligne internationale de contrôle ", la frontière officieuse, issue de la guerre indo-pakistanaise de 1965, qui partage le Cachemire entre les deux pays. Plusieurs dizaines de morts ont ainsi rejoint les centaines de victimes que le conflit a déjà faites dans cette région depuis le début de la mobilisation militaire actuelle, à la fin décembre dernier.
Une situation inextricable
C'est dire que les chances de voir la menace de guerre reculer sont maigres. Le dictateur pakistanais Musharraf a bien annoncé qu'il était prêt à négocier sans conditions avec le gouvernment indien. Mais après les essais de missiles de moyenne portée effectués fin mai par le Pakistan, les dirigeants indiens ont beau jeu de riposter à cette offre en exigeant comme préalable à toute négociation que Musharraf mette d'abord un terme aux opérations menées au Cachemire indien par les groupes paramilitaires islamistes basés au Cachemire pakistanais.
En fait, le gouvernement indien va bien au-delà de cette exigence. S'appuyant sur les opérations américaines en cours en Afghanistan contre le réseau al-Qaeda, le Premier ministre indien Vajpayee revendique le droit d'aller effectuer au Cachemire pakistanais le " nettoyage " des camps d'entraînement et bases logistiques intégristes que Musharraf ne fait pas lui-même. Or, en adoptant cette attitude, Vajpayee sait pertinemment qu'il met Musharraf dans une position intenable. Car si celui-ci n'a sans doute pas les moyens politiques de s'attaquer de front aux milices intégristes sans risquer de s'opposer aux clans de son armée qui leur sont liés, il ne peut pas non plus laisser l'armée indienne opérer impunément sur le territoire du Cachemire pakistanais.
La surenchère des dirigeants indiens ne laisse donc aucune issue à Musharraf. Tant que cette surenchère demeure verbale, elle peut ne faire qu'alimenter la tension entre les deux pays sans nécessairement entraîner une escalade militaire. En revanche, même verbale, cette surenchère ne peut qu'inciter les groupes intégristes islamistes à intensifier leurs opérations au Cachemire indien, voire dans d'autres parties de l'Inde - opérations qui pourraient contraindre le gouvernement indien à passer aux actes pour ne pas perdre la face devant une opinion publique qu'il s'efforce de rallier derrière lui en attisant les préjugés anti-musulmans.
Les responsabilités de l'impérialisme
Cette situation reflète incontestablement, d'un côté comme de l'autre, la pourriture de régimes qui, pour survivre, en sont réduits à se concilier les courants les plus réactionnaires, voire à s'appuyer sur eux.
Mais elle porte également la marque indélébile des responsabilités passées et présentes de l'impérialisme.
Responsabilité historique de l'impérialisme britannique, d'abord, qui pour maintenir sa domination coloniale a attisé très tôt les particularismes religieux, hindou et musulman, pour faire pièce au nationalisme plus ou moins séculaire qu'incarnait le parti du Congrès, puis a présidé au bain de sang qui accompagna la partition du sous-continent en 1947. Responsabilité, ensuite, de l'impérialisme en général qui, après l'indépendance, joua les Etats issus de l'Inde coloniale les uns contre les autres sur l'échiquier de la Guerre Froide. Responsabilité enfin de l'impérialisme américain qui, après avoir financé et armé les intégristes islamistes au Pakistan, a offert la caution politique de la " guerre contre le terrorisme " à la démagogie réactionnaire des dirigeants indiens.
Aujourd'hui, les militaires américains parlent du danger d'une guerre nucléaire entre les deux pays, estimant qu'elle pourrait faire 12 millions de victimes. C'est là une perspective que les généraux indiens aussi bien que pakistanais semblent d'ailleurs considérer comme tout à fait " acceptable ". En cela, ils montrent qu'ils ont été à bonne école, celle des Etats-Unis, la seule puissance à ce jour à avoir eu recours à l'arme nucléaire.
Bien sûr, les dirigeants américains omettent de parler du rôle direct ou indirect qu'ils ont joué dans la promotion de ces deux pays au rang de puissances nucléaires. Tout comme ils omettent de dire qu'aujourd'hui, de façon directe et indirecte, ce sont les marchands d'armes américains, français et anglais qui s'enrichissent à milliards en fournissant aux deux pays les engins de mort dits " classiques ", qui leur serviront peut-être demain à s'entretuer avec une efficacité non moins sanglante.
Alors, les dirigeants impérialistes peuvent bien jouer les " faiseurs de paix " en enjoignant la retenue aux deux protagonistes. Mais si demain la guerre éclate entre l'Inde et le Pakistan, ce sera aussi à Washington, Londres et Paris qu'il faudra rechercher les criminels de guerre.