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Dans le monde
Grande Bretagne : Entre le ballon rond et la monarchie, y a pas photo
Pour le jubilé d'or de la reine (marquant son cinquantenaire sur le trône), Blair aura fait les choses en grand. C'est à un véritable " Elizabeth superstar " qu'a été conviée la population anglaise le 3 juin, à Buckingham Palace, le pied-à-terre londonien de la reine.
De mémoire de sujet de Sa Majesté, jamais on n'avait vu pareille débauche plébéienne à l'occasion d'une cérémonie royale. La crème du show-business à la mode était de la fête, le tout sous la direction de l'ex-Beatle, désormais " baronet ", Paul McCartney. Plébéienne, certes, mais quand même pas au-delà d'une certaine limite. A chacun sa place : n'étaient admis dans l'enceinte du parc royal que 12 000 invités sévèrement triés sur le volet, tandis que l'écrasante majorité devait se contenter d'écrans géants dans un parc voisin. Mais de toute évidence les spectateurs se moquaient comme d'une guigne de frayer avec la souveraine : le concert était gratuit, tout comme le feu d'artifice géant qui l'a suivi, et cela suffisait au plaisir de tous.
D'ailleurs, après cette nuit folle à laquelle auraient participé, dit-on, un million de personnes, les admirateurs venus saluer la reine et son carrosse d'or sur le traditionnel parcours vers la cathédrale Saint-Paul, faisaient bien piètre figure, et cela en dépit des quelque 5 000 choristes réquisitionnés pour chanter la messe à Mme Windsor.
En fait, cela fait des mois que Blair, le maître de cérémonie de cette super-production royale, prépare tout dans le moindre détail - y compris de vigoureuses campagnes publicitaires aux quatre coins du monde pour lancer des voyages organisés " tout compris " pour l'occasion. Inquiet de la dégringolade alarmante de la monarchie dans les sondages au cours de la décennie écoulée, ce champion de toutes les traditions bien-pensantes - religieuse, monarchiste et chauvine - espérait sans doute qu'un cocktail de pop stars et une bonne préparation médiatique et commerciale suffirait à redorer le blason d'une monarchie décatie.
Y aura-t-il réussi ? Les 53 % de sondés qui, il y a encore quelques mois, estimaient la royauté trop coûteuse et tout juste bonne à remiser au magasin des accessoires, auront-ils changé d'avis comme par enchantement ? Le luxe de ce super-show leur aura-t-il fait oublier le scandale causé, l'an dernier, par la révélation du coût d'entretien annuel des 30 canassons de course de Sa Majesté - l'équivalent du salaire de 1500 smicards !
On peut en douter. Mais ce qui est certain, c'est que si la plupart des travailleurs se souviennent longtemps de ce week-end du 2 juin, ce sera pour une raison qui n'a rien à voir avec la royauté : pour la première fois de leur existence, ils auront été payés pour suivre pendant quatre jours d'affilée les matches de la Coupe du Monde de foot !
Aux grandes heures de la Révolution anglaise, ce furent les " têtes rondes ", les Puritains de Cromwell, qui renversèrent la royauté. En 2002, c'est le ballon rond qui a pris la relève.