Si les hommes politiques candidats à un siège doivent aller au-devant des électeurs pour tenter de se faire élire, pour les représentants des classes dominantes, en particulier du patronat, point n'est habituellement besoin de faire campagne pour se faire entendre. Outre le poids social et politique que leur confère la propriété des moyens de production, des banques et des principaux médias, c'est par mille et un liens, personnels, professionnels, amicaux, familiaux, que ce que l'on appelle la " classe politique " est en contact permanent avec ceux qui détiennent les leviers de la fortune, de l'économie et, finalement, de la société.

Ces liens, d'ordinaire, les hommes politiques évitent de les afficher, en tout cas devant les électeurs. Et les hommes de la bourgeoisie agissent de même.

Seillière, dans ce qu'il appelle un souci de modernisation - mais aussi parce que la gauche gouvernementale ne fait même plus semblant de s'opposer au patronat -, affecte de ne plus trop se cacher. Il y a quelque temps, il a ainsi revendiqué " un droit d'ingérence " dans la campagne électorale et dans la conduite des affaires du pays. En fait, ce n'est pas tant le droit du patronat d'y peser de tout son poids : ce droit-là, hormis Lutte Ouvrière et Arlette Laguiller, pas grand monde ne le lui conteste, et le patronat l'exerce déjà, et comment ! Mais Seillière revendique aussi le droit de le faire savoir, en somme celui de rappeler publiquement qui est le véritable patron, même des Etats qui se targuent d'être démocratiques.

Dans sa conférence de presse, Seillière a donc, tout naturellement, égrené la liste des candidats qu'il a rencontrés : Chirac, Madelin, Bayrou, Christine Boutin ; de ceux avec lesquels il a pris rendez-vous : Mamère, Corinne Lepage ; et de ceux qu'il a demandé à voir : Jospin et Hue, pour leur faire part des desiderata du patronat.

Cette liste, peut-être pas exhaustive, la presse l'a publiée. Mais il n'étonnera personne que Seillière n'ait rien demandé à notre candidate, Arlette Laguiller. Nous ne sommes pas du même monde que tous ces gens-là, ni surtout dans le même camp.