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- Lutte ouvrière n°1752
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Dans les entreprises
Renault Sovab - Batilly (Meurthe et Moselle) : - L'insécurité de l'emploi en correctionnelle
Le 12 février, Louis Schweitzer, PDG de Renault, et Noël Bataille, directeur de l'usine Renault-Sovab de Batilly, étaient cités à comparaître devant le tribunal correctionnel de Briey pour " emploi de main-d'oeuvre temporaire en dehors des cas autorisés " et " fourniture illégale de main-d'oeuvre, à but lucratif, marchandage ".
Ce procès fait suite à une plainte de l'Inspection du travail en 1999 à laquelle la justice a donné suite. Le procureur a requis des amendes de 1000 euros contre le directeur, 15 000 euros contre la Sovab, et rien contre Schweitzer, laissant le " bénéfice du doute " sur sa responsabilité. Jugement le 12 mars.
Cité à comparaître par la CGT, Schweitzer ne s'est pas rendu au tribunal. Le patron de la Sovab, filiale de Renault (2800 salariés actuellement), y était, lui, appuyé par une soixantaine de cadres et d'agents de maîtrise qui, les jours précédents, s'étaient employés à faire signer, dans le secret de leur bureau, surtout en tôlerie, une pétition de soutien au directeur. En effet, la pétition n'a pas été présentée à la porte de l'usine ou à celle du self où elle n'aurait pas rencontré un grand succès, mais sur convocation individuelle. Certains ouvriers qui se sont fait piéger à signer allant même s'excuser auprès des délégués d'avoir cédé aux pressions de l'encadrement ou de s'être fait tout simplement rouler.
La direction a prétendu avoir recueilli 1500 signatures au bas de cette pétition qui affirmait, sans rire, que " une condamnation, même de principe, de Noël Bataille et de la Sovab, c'est le risque d'une fermeture immédiate ou différée de notre entreprise ". Et de dénoncer : " Aujourd'hui, Noël Bataille est traîné dans la boue par quelques personnes inconscientes et irresponsables qui veulent sa peau et peut-être même la mort de la Sovab ". Or c'est le procureur de la République lui-même qui a décidé de poursuivre la Sovab ! Il a donné suite à une plainte de l'Inspection du travail qui, déjà en 1998, exigeait l'embauche des 639 intérimaires présents au motif " d'accroissement temporaire d'activité ". En réalité, ils participaient tous à la marche normale de l'usine.
Jusqu'à 950 intérimaires en même temps
Au tribunal, la direction s'est défendue en disant que 1700 embauches avaient eu lieu depuis 1993, l'usine passant de 1100 salariés à 2800. Mais il faut préciser, qu'entre-temps, elle s'est considérablement agrandie, deux nouveaux véhicules - le nouveau Master et le Mascott - ayant été lancés. Et il a fallu arracher ces embauches, entre autres par les deux semaines de grève en 1999 contre l'application des 35 heures, qui avaient permis d'obtenir 500 embauches fermes, ou grâce aux plaintes devant les Prud'hommes de plus d'une centaine d'intérimaires, soutenus par la CGT, qui ont ainsi mis sur la place publique le scandale de l'intérim à la Sovab. En effet, celle-ci a employé jusqu'à 950 intérimaires en même temps ! C'est dire que des milliers sont passés par l'entreprise à tel point que la direction en faisait venir de tous les coins de Lorraine, quand ce n'est pas du nord de la France.
Tous les intérimaires qui avaient porté plainte pour exiger leur embauche ont gagné leur procès, même si seuls ceux qui étaient encore présents dans l'usine au moment des jugements ont été embauchés par Renault. Les autres, ceux qui avaient fini leur mission, ont été considérés comme licenciés abusivement et ont touché des indemnités conséquentes (plusieurs dizaines de milliers de francs).
A Briey, le 12 février, l'insécurité de l'emploi était en procès. Une insécurité dont on parle moins dans les médias que celle qui existe dans les quartiers populaires - dont d'ailleurs ne sont victimes ni les journalistes qui en parlent ni les hommes politiques qui s'en servent. Mais une insécurité qui pourrit la vie de la jeunesse ouvrière, réduite à la précarité permanente.