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- Lutte ouvrière n°1752
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Grande-Bretagne - Émeute dans un centre de réfugiés : Les prisons de Blair
Le 14 février, une émeute a éclaté au centre de détention de Yarl's Wood, à une centaine de kilomètres au nord de Londres. Suite au refus de l'administration de faire venir un médecin pour soigner un homme âgé atteint d'une maladie cardiaque, les détenus maîtrisèrent les gardiens, s'emparèrent des clés et mirent le feu au bâtiment administratif. Dans la confusion, plusieurs dizaines des quelque 350 détenus réussirent à s'enfuir malgré les centaines de policiers appelés en renforts pour contenir l'émeute.
De telles émeutes sont choses relativement courantes dans le système carcéral britannique. Mais dans ce cas il s'agit d'autre chose. Car le centre de Yarl's Wood, ouvert il y a tout juste trois mois dans le cadre d'une opération médiatique à grand spectacle, est le fleuron du nouveau dispositif répressif introduit contre les nouveaux immigrants par le gouvernement travailliste de Tony Blair.
D'une part, en y enfermant les demandeurs d'asile ayant fait appel d'un refus de régularisation, Blair entend démontrer sa détermination de ne pas les laisser " disparaître dans la nature ", faisant ainsi pièce aux accusations de ses adversaires du parti conservateur. Et d'autre part, conformément à sa politique de privatisation tous azimuts, Blair a confié l'administration de ce centre à Groupe 4, une multinationale britannique dont les " compétences " vont du transport de fonds aux services de sécurité en tout genre, en passant par la fourniture d'hommes armés aux multinationales installées dans le Tiers Monde et l'administration d'un certain nombre de prisons britanniques privatisées.
Or sur ces deux plans, l'émeute du 14 février jette une lumière crue sur le caractère révoltant de la politique des dirigeants travaillistes. Les hommes, femmes et enfants qui se trouvaient dans ce centre n'ont commis ni crime ni délit. Ils n'ont que le tort d'avoir sollicité, par les voies légales, le droit de s'installer en Grande-Bretagne, et de ne pas s'être résignés à un premier refus. Et pourtant ils étaient enfermés comme des criminels et privés de contact avec l'extérieur. Mais en plus, leurs moindres faits et gestes y étaient soumis à une surveillance constante par un réseau de plusieurs centaines de caméras en circuit fermé. Fait significatif, ces caméras ont été les premières " victimes " de l'émeute. Comme l'a noté le communiqué faussement scandalisé de la police, pas une d'entre elles n'aura survécu. Et on comprend pourquoi !
Quant au rôle de Groupe 4 dans cette affaire, il ne laisse guère de doutes. Ses dirigeants ont beau protester avec véhémence (de concert avec Lord Rooker, le ministre de l'Immigration de Tony Blair) de leur traitement " exemplaire " des internés (" N'avaient-ils pas dix salles de prière à leur disposition ? ", s'exclament-ils vertueusement !), ils ne peuvent faire oublier que, dans les prisons qu'ils administrent, ils ont battu, et de loin, le taux de suicides déjà scandaleusement élevé des vieilles prisons d'Etat du pays. Et comment s'en étonner quand on sait que Groupe 4 réalise des bénéfices considérables ? D'où peuvent-ils venir sinon du fait de rogner sur tout ce qui coûte, y compris le moindre geste d'humanité ?
Mais qu'importe. Pour Blair et son gouvernement, il n'est pas question de revenir sur la démagogie anti-immigrée, qui leur sert à flatter les préjugés racistes dans l'électorat. Pire, ils n'hésitent pas à jeter de l'huile sur le feu quand, par la voix de Lord Rooker, ils s'excusent auprès de la population locale des " risques " que lui feraient courir les quelques réfugiés évadés. Comme si le fait d'être demandeurs d'asile en faisait de dangereux criminels ! Quant aux actionnaires de Groupe 4, il n'est pas question non plus de les priver des subventions déguisées que constituent pour eux l'administration de ce centre, et de bien d'autres du même genre qui sont encore en construction.
Il y a quelques mois, le gouvernement Blair a dû fermer un vieux centre de détention installé sur la base militaire désaffectée de Campsfield, près d'Oxford. Blair n'avait pas eu le choix face au scandale soulevé par une émeute des détenus où il y avait eu mort d'homme. Combien d'émeutes et de morts faudra-t-il pour que les centres tels que celui de Yarl's Wood soient fermés à leur tour ? Et pour que les politiciens de la richissime Grande-Bretagne cessent de traiter en criminels ceux qui fuient la misère et les dictatures des pays appauvris par le pillage des multinationales occidentales ?