Un logement décent c'est obligatoire... sur le papier08/02/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/02/une1750.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Un logement décent c'est obligatoire... sur le papier

Par décret paru fin janvier au Journal Officiel, les propriétaires qui louent un logement se voient signifier "l'obligation de délivrer un logement décent".

La secrétaire d'Etat au Logement, Marie-Noëlle Lienemann, se félicite de ce texte réglementaire qui permettrait à l'avenir d'"éviter les abus et les pratiques de marchands de sommeil qui louent des logements inadaptés et insalubres, mettant en danger la santé de leurs habitants". Mais un texte sera-t-il suffisant contre les malfrats qui louent à des prix exorbitants des logements indignes aux familles les plus démunies, y compris de possibilités de se défendre ? On peut en douter.

Le décret précise qu'un "logement décent" est celui qui assure, entre autres choses, "la protection contre les infiltrations d'eau" et qui possède des "équipements de chauffage, électricité, gaz en bon état d'entretien". Parmi les éléments de confort minimum, le texte officiel mentionne, parmi d'autres, au moins une pièce de 9 m² ayant 2,20 mètres de hauteur sous plafond et une installation sanitaire complète, dès que le logement compte plus d'une pièce. Tout cela n'a rien d'extraordinaire et représente en effet le minimum de ce qu'un propriétaire devrait mettre à la disposition de ses locataires. Mais tous les mal-logés savent que ce n'est pas le cas et que ce texte - qui n'est pas le premier du genre - sera certainement de peu d'effet pour contraindre leurs propriétaires à remédier d'urgence à la situation.

En fait, pour que les familles des classes laborieuses puissent se détourner des loueurs privés sans scrupules et des marchands de sommeil en tout genre afin de trouver un logement correspondant à leurs besoins, il ne faudrait pas tant publier des textes que consacrer, dans le budget de l'Etat, les sommes indispensables au développement, en nombre et en qualité, des logements nécessaires. Ce n'est pas ce qui se fait même si la ministre déclare militer pour la résorption de l'habitat indigne, programmant 15 000 démolitions de logements vétustes et annonçant comme une victoire le fait qu'en 2001, 56 000 logements sociaux auraient finalement été réalisés, ce qui reste très insuffisant.

Ce décret sur le "logement décent" aura même probablement un effet négatif pour les mal-logés. Le marché du logement reste entre les mains des propriétaires privés, bien décidés à faire ce qu'ils veulent de leur bien et surtout, lorsqu'ils louent, bien décidés à en tirer le meilleur profit possible. Des propriétaires seront donc incités non pas à faire les travaux coûteux de mise en conformité mais à louer leurs locaux non conformes au noir, ou à ne pas les louer du tout. Ou bien, s'ils se décident à faire des travaux, ce sera pour augmenter substantiellement les loyers et pour louer à de nouveaux locataires, plus fortunés. Dans tous les cas, les perdants resteront les plus pauvres, les mal-logés dont la situation risque encore d'être précarisée et aggravée.

Et puisque le "logement décent" est à la mode chez la ministre, des milliers de locataires sont bien placés pour savoir qu'y compris dans le parc social des offices publics de HLM, voire de HBM datant d'avant la guerre de 1939-1945, y compris dans des municipalités tenues par des collègues de gouvernement de Marie-Noëlle Lienemann (comme par exemple à Villeneuve-Saint-Georges dans le Val-de-Marne, où le ministre de la Recherche s'est fait élire maire en 2001), les locataires subissent des conditions de logement indignes : absence de prises de terre, fenêtres qui ne ferment pas, installations de gaz et d'électricité pas aux normes, pas de salles d'eau, délabrement général, risques d'incendie, etc. Là, il ne s'agit pas de propriétaires privés. Mais bien d'offices publics, municipaux en particulier, qui se comportent absolument comme ces marchands de sommeil que Marie-Noëlle Lienemann prétend dénoncer.

Alors que s'ouvre la période électorale, ce décret sur le logement décent, est-il vraiment autre chose qu'une proclamation démagogique de la part du gouvernement ?

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