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Leur société
SNCF : La régionalisation, sûrement pas un progrès !
Depuis le 1er janvier, la régionalisation de l'ensemble du réseau ferroviaire entre en application. D'ici mars prochain, les 22 régions définies en 1982 devront avoir signé une convention avec la SNCF, fixant leurs compétences en matière de transport. Cela constituerait, selon le gouvernement, un progrès. Pourtant, rien n'est moins sûr.
Cette régionalisation s'inscrit dans une politique, menée depuis très longtemps et accélérée depuis 1997, année de la division de la SNCF et de la création de RFF (Réseau ferré de France), entreprise désormais chargée des infrastructures. Cette politique a pour objectif la rentabilisation des diverses activités du "groupe SNCF", en se débarrassant des moins rentables et en organisant la gestion à l'échelle de chaque établissement tenu d'être équilibré financièrement. Elle met en avant des critères commerciaux, de rentabilité financière, dans le transport des voyageurs comme dans celui des marchandises, qui n'ont plus rien à voir avec la notion de service public. La régionalisation en cours, avec le désengagement financier de l'Etat qu'elle signifie, la décentralisation des activités, la transformation de chaque région en "client" de la SNCF pour ce qui est de la circulation des trains et en "client" de RFF pour ce qui est de l'utilisation des infrastructures (rail, aiguillages, gares), a toutes les chances de se traduire par une dégradation du service rendu aux usagers.
Il est d'ailleurs précisé que chaque région cliente sera tenue de respecter les objectifs de productivité du "groupe SNCF", qui dans le cadre de ses activités et de son intérêt bien compris d'entreprise nationale, pourra décider de supprimer des dessertes locales s'il estime que cela nuit à son activité grandes lignes, par exemple. La Région deviendra propriétaire du matériel circulant dans son périmètre, matériel qu'elle aura financé et dont elle devra contrôler l'utilisation en adoptant, forcément, elle aussi, une optique commerciale. Les régions riches pourront s'offrir du beau matériel et l'entretenir (même s'il paraît aberrant de raisonner régionalement en ce qui concerne la commande et la maintenance du matériel roulant), les plus pauvres devront se débrouiller... Quant à RFF, il a évoqué l'idée d'introduire une tarification des arrêts en gare, gare qualifiée "d'élément de consommation de la ressource rare" que constituerait l'infrastructure ! Ainsi, selon les péages payés à RFF, certaines gares seraient desservies et d'autres pas.
On peut imaginer bien des situations absurdes pour cause de critères commerciaux. Y compris le passage d'une région à une autre peut poser problème, la convention passée avec la SNCF n'étant pas la même dans les deux régions. Aujourd'hui, seule la SNCF intervient et circule dans l'ensemble du pays. Mais cela peut changer... Le Conseil économique et social le reconnaît très officiellement comme possible, voire souhaitable, sur la base d'un exemple qu'il considère intéressant... celui de l'Angleterre ! L'intervention de sociétés privées sur "le marché des déplacements ferroviaires régionaux" aurait ainsi "provoqué une croissance de trafic de 30 à 35 % en quatre ans et demi", performance freinée seulement par la "médiocre qualité de l'infrastructure ferroviaire britannique"...
Dans le cadre de l'évolution générale actuelle des services publics vers une privatisation de tout ce qui est susceptible d'intéresser les capitaux privés, la régionalisation des chemins de fer risque de se traduire par une dégradation générale des conditions de circulation des voyageurs. Pour qu'il n'en soit pas ainsi, il faudrait que l'Etat investisse largement afin de moderniser les trains, tous les trains et pas seulement le réseau TGV, et en particulier donc les dessertes régionales et locales. Il faudrait également consacrer les fonds publics à moderniser les voitures de voyageurs, à embaucher du personnel en suffisance pour l'entretien des voies, des rames, des gares, de l'ensemble du matériel. Il faudrait réfléchir dans tous les domaines aux moyens à mettre en oeuvre pour que les déplacements de la population soient facilités et leur coût diminué.
Mais au lieu d'une politique de défense du service public des moyens de transport, et même si Gayssot s'en défend et se prétend en paroles un tenant farouche de "l'unicité" de la SNCF comme service public national, l'Etat désinvestit et va désormais se contenter d'une donation aux Régions, qu'il marchande déjà chichement.
La région Nord-Pas-de-Calais proteste par exemple sur le fait que l'Etat n'entend lui verser que 134 millions d'euros alors qu'elle estime ses besoins à 150 millions minimum.
Dans le domaine du transport comme dans les autres domaines, la régionalisation n'a rien à voir avec une volonté de prendre mieux en compte les besoins des habitants d'une région. Il ne s'agit pas d'améliorer les dessertes, de diminuer leur coût et d'augmenter leur fréquence. Les TGV continueront à mettre trois heures entre Paris et Marseille mais, pour faire les quelques dizaines de kilomètres qui séparent Marseille d'Avignon, il faudra pour cause de régionalisation plus de temps qu'auparavant... s'il y a un train !