Vitry-le-François (51) : Après avoir usé les ouvriers, la Faïencerie veut s'en débarrasser11/01/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/01/une-1746.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Vitry-le-François (51) : Après avoir usé les ouvriers, la Faïencerie veut s'en débarrasser

Le 21 décembre 2001, Sarreguemines Bâtiment, la société qui produit des sanitaires à Vitry-le-François et emploie 400 salariés, a déposé son bilan. Est-ce que cela va se traduire par la fermeture pure et simple du site, ou le rachat et la continuation de l'activité avec des licenciements à la clé ? On l'ignore encore.

Les prétextes bidon de la direction

Cette décision a été annoncée alors que l'entreprise était restée fermée un mois, en chômage technique puis en congés annuels. La direction n'a pas pris la peine d'informer les salariés ni même tous les syndicats. Il a fallu consulter les greffes du tribunal pour en avoir le coeur net.

Les explications de la direction sont ridicules. Elle invoque l'augmentation des dépenses de gaz et de fuel ! Elle aurait pu difficilement mettre en avant l'augmentation des salaires, vu qu'il n'y en pas eu pendant deux ans. Elle invoque les 35 heures alors qu'il n'y a eu aucune embauche et que l'annualisation a permis de nous faire travailler plusieurs samedis et six jours sur sept jusqu'à cet été, sans avoir à payer d'heures supplémentaires.

D'où viennent ces prétendues pertes alors que nous avons vu les cadences augmenter ? Le nombre de dépressions physiques et nerveuses n'a cessé d'augmenter à cause de la pression de l'encadrement. Les pièces produites ont bien été vendues et ont bien rapporté du profit !

Il y a deux mois, le directeur de l'usine de Vitry déclarait même au journal financier les Echos : " Nous avons pris le pari d'investir massivement en France ", ajoutant que les exportations devaient être portées à 40 % d'ici trois ans.

Autre raison avancée : la Faïencerie appartient à un groupe familial dont le principal actionnaire a 81 ans et souhaite passer la main. Il est donc possible qu'un capitaliste qui a toute sa vie accumulé sa fortune sur le travail des ouvriers ferme une usine et jette à la rue 400 ouvriers comme il se débarrasserait d'une voiture parce qu'il en a assez !

Elle affiche des pertes mais verse des dividendes aux actionnaires !

Pour couronner le tout, la famille principale actionnaire de FSDV, dont Sarreguemines Bâtiment représente 45 % du chiffre d'affaires, vient de verser en 2001 en dividendes 0,19 euro par action, près de 23 342 euros (140 000 F), tout en prétendant faire des pertes ! Cela a fait dire à un analyste financier que " la compagnie va revenir au profit rapidement : une compagnie ne peut pas payer longtemps des dividendes si elle perd de l'argent. "

On a pressé le citron, on veut jeter la peau

Pendant des dizaines d'années, les actionnaires ont encaissé du profit. Pour elle, la plupart des ouvriers y ont laissé leur santé. Dans plusieurs secteurs, le travail s'effectue dans la poussière d'émail, de talc. La silicose fait des ravages. La chaleur souvent insupportable nécessite que l'on boive des litres d'eau par jour. Dans ces vieux ateliers, tout se porte manuellement : ce sont des tonnes chaque jour à soulever. Au bout de dix ans d'usine, les travailleurs qui n'ont pas de problèmes de dos sont des exceptions. Les accidents de travail sont parfois mortels.

Même dans les nouvelles unités que la direction a fait construire, grâce aux subventions et sur un terrain cédé par la commune, les conditions de travail sont tout autant infernales.

Et dans les unités anciennes, tout est laissé à l'abandon depuis des années, alors que la plupart des ouvriers y travaillent. Il y pleut ou il y neige. Il n'y a même pas l'eau courante. On pompe l'eau du canal voisin. Et quelquefois au robinet, on trouve des arêtes de poisson !

Si nous sommes jetés à la rue, quelle entreprise, dans une région déjà socialement sinistrée, acceptera des ouvriers usés par le travail à la Faïencerie ? Combien ont vu d'anciens collègues, poussés à partir parce que trop souvent malades, contraints de vivre avec moins de 457 euros (3 000 F) par mois ?

La lutte ne fait que commencer

Cette annonce a été un choc pour tout le monde, les réactions étant partagées entre la colère, l'abattement et la peur de faire prochainement partie d'une charrette de licenciements.

Le jour de la reprise, une vingtaine d'ouvriers, à l'appel de FO, ont fait un piquet dès 3h1/2 du matin, distribuant un tract appelant à un rassemblement. La direction et la CGT, qui dans cette usine se range à chaque fois du côté de la direction, ont fait pression, pour l'instant avec succès, pour empêcher tout rassemblement.

Les porte-parole de la direction se répandent partout pour expliquer qu'il ne faut rien faire sinon on effrayera un repreneur éventuel.

Pourtant la lutte, aujourd'hui, est notre seul moyen d'imposer notre droit à la vie.

Partager