Russie An X : Le règne du capital11/01/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/01/une-1746.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Russie An X : Le règne du capital

Dix ans après la fin officielle de l'URSS, le chemin parcouru témoigne de la complète réintégration dans le monde capitaliste de la Russie et des territoires composant l'ancienne prétendue " patrie du socialisme ".

C'est le 25 décembre 1991 que Gorbatchev, avant de passer la main, annonçait la transformation des 15 républiques soviétiques en Etats indépendants et la constitution avec 12 d'entre eux de la CEI (Communauté des Etats Indépendants). Dans le processus de démantèlement de la propriété d'Etat et de la planification, cet événement ne constituait qu'une étape, et pas la première.

La planification, régime économique établi pour l'ensemble du territoire de l'URSS, grâce l'expropriation de la bourgeoisie par la révolution ouvrière de 1917, était censée régler la production en fonction des besoins de la population. En absence de droits d'expression pour celle-ci, elle fut toute relative. Sous la direction de la bureaucratie parasite - qui après la période révolutionnaire avait évincé la classe ouvrière du pouvoir et exerçait sur elle une dictature féroce - l'économie, en dépit d'une progression remarquable pendant les premières années, stagnait depuis une ou deux décennies. Elle restait marquée par un fonctionnement chaotique, faisant périodiquement subir à la population des pénuries de produits de première nécessité, même si par ailleurs, dans le domaine scientifique - et en particulier celui des armements - l'URSS avait obtenu des succès notables et pouvait " faire la pige " aux grandes puissances impérialistes.

Les bureaucrates, privilégiés du régime et exploiteurs à leur façon, pouvaient certes échapper au sort commun des populations de l'URSS et bénéficiaient d'un niveau de vie supérieur. Le régime économique de la planification, même sous leur coupe, ne leur permettait cependant pas de s'enrichir aussi facilement, aussi pleinement et aussi sûrement que la bourgeoisie dans une économie de marché. Et depuis toujours, les bureaucrates rêvaient de stabilité et de la possibilité de transmettre leurs privilèges à leur progéniture, bref d'accéder au statut social des bourgeois. Tant qu'ils ont craint les réactions ouvrières, tant que l'hostilité fondamentale de l'impérialisme à l'Etat dont ils tiraient leur substance les menaçait dans leur existence, ils ne se sont pas aventurés à faire le saut. Ils ont attendu la fin des années 80 et Gorbatchev pour jeter ouvertement par-dessus bord les obstacles juridiques permettant le retour à la propriété privée des moyens de production, ouvrant la porte à un retour pur et simple au capitalisme.

Après des dizaines d'années de dictature et l'anéantissement de toute organisation ouvrière sous la direction de Staline et de ses successeurs, après des dizaines d'années de " coexistence pacifique " et de coopération avec les puissances impérialistes, toute la bureaucratie dirigeante de l'URSS s'est ainsi trouvée globalement d'accord pour entamer le processus de privatisation des entreprises et réintégrer le camp du capitalisme. Cela n'est certes pas allé sans luttes de pouvoir au sommet - d'autant plus qu'elles conditionnaient qui des bureaucrates allaient mettre la main sur quoi - mais aucun des candidats à la succession ne divergeait sur les objectifs. Et c'est sur la voie tracée par Gorbatchev qu'Eltsine et ensuite Poutine, ont poursuivi le processus de retour au capitalisme.

La privatisation s'est effectuée en plusieurs étapes, dans un premier temps création de commerces et d'entreprises artisanales et distribution d'actions à tous les travailleurs des grandes entreprises ; puis récupération de ces actions et regroupement dans les mains de quelques cadres dirigeants ou hommes du pouvoir politique, ou encore prise en main de la direction de ces entreprises par des banques en échange de prêts.

Si tout n'a pas été privatisé dans l'ex-URSS, c'est que tout n'intéresse pas les capitalistes privés. En Argentine ou en France non plus d'ailleurs, sans parler d'autres Etats, du Tiers-monde ou pas. Reste que des fortunes colossales se sont constituées en peu d'années. La plupart des capitaux certes fuient la Russie et ses satellites, au lieu de se réinvestir dans le pays. Comme partout dans le monde capitaliste, ils vont là où les profits sont les plus juteux. Et l'on peut rencontrer plus de riches Russes à Chypre, sur la Côte d'Azur ou encore dans les cercles huppés des capitales occidentales qu'il y a 10 ans.

La bureaucratie russe n'a pas disparu pour autant - elle existait aussi sous le tsarisme - mais elle est maintenant au service de la nouvelle bourgeoisie. La population de l'ex-URSS en revanche connaît le chômage, une détérioration de ses conditions de vie s'accompagnant d'un déclin de sa population, d'un recul de la santé et de l'espérance de vie.

Par ailleurs, Poutine s'entend très bien avec Bush. Et quand l'un mène sa croisade contre le peuple afghan, l'autre bombarde et martyrise les Tchétchènes impunément. Tout est ainsi pour le mieux dans le meilleur des mondes capitaliste... du moins pour la minorité des possédants.

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