Peugeot Sochaux(25) : Travail de nuit au bonheur des dames ?11/01/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/01/une-1746.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Peugeot Sochaux(25) : Travail de nuit au bonheur des dames ?

Dans son numéro du mois de décembre, la revue Montbéliard Magazine rend hommage à la place faite aux femmes chez Peugeot. On ne sait plus très bien d'ailleurs s'il s'agit d'une revue municipale ou patronale, tant les élus, anciens cadres chez Peugeot pour nombre d'entre eux, montrent d'empressement à offrir leurs colonnes aux dirigeants de l'entreprise. D'après Robert Michel, directeur du personnel, la féminisation des effectifs (passés de 14 à près de 20 % en deux ans) correspond à une volonté de la direction d'embaucher plus de femmes. Car ce haut dirigeant, qui a sans doute dû faire de longues études pour arriver à une réflexion aussi pertinente, " s'est aperçu qu'elles étaient compétentes " ! A l'aube du troisième millénaire, à défaut de saluer l'exploit, on peut tout de même reconnaître qu'il n'a pas peur du ridicule ! Ni peur de se contredire, puisque si les femmes représentent près de 20 % de l'effectif global, elles sont environ 30 % à effectuer des tâches répétitives.

Parmi les raisons invoquées pour justifier l'augmentation des effectifs féminins, il cite l'amélioration de l'ergonomie des postes de travail. Son fauteuil doit certainement être bien rembourré ; en revanche, les ouvrières qui continuent à travailler pliées en deux dans les voitures ont du mal à apprécier le confort de leur situation !

L'arrivée de nombreuses femmes sur le site correspond en réalité à la mise en place de deux équipes de nuit. A la fin de l'année 2000, l'Assemblée nationale a voté un amendement à la loi sur l'égalité professionnelle, qui supprimait l'interdiction faite jusque-là aux femmes de travailler la nuit. Chez Peugeot, l'effet ne s'est pas fait attendre : l'occasion était trop belle de pouvoir compléter les équipes de nuit et de faire fabriquer des voitures 24 heures sur 24. D'une centaine au départ, les effectifs féminins ont plus que quintuplé en un an. Le directeur du personnel évoque la pénurie de personnel masculin : il faut comprendre le peu d'empressement des hommes accepter d'aller passer des nuits blanches à l'atelier.

Dans ces conditions, arguer du fait que les femmes qui travaillent de nuit étaient toutes volontaires, comme l'ont fait certains syndicats, tient de la malhonnêté. Pour les intérimaires, nombreuses en équipe de nuit, le choix se présentait de la façon suivante : accepter ces horaires déments ou rester au chômage. Quant aux femmes en CDI qui se sont portées volontaires, beaucoup l'ont fait par rejet des horaires de doublage qu'elles ne supportaient plus, d'autres en pensant que cela leur permettrait de mieux s'occuper de leurs enfants. Les unes comme les autres ont vite déchanté.

Une étude récente a mis en évidence que les femmes avec des enfants dormaient en moyenne 1 heure 30 de moins que les autres par jour. A cela s'ajoutent les autres dangers reconnus liés au travail de nuit : les risques de développer un cancer du sein sont 60 fois plus importants chez les travailleuses nocturnes, d'après une enquête menée aux USA et reprise par la presse locale, et l'espérance de vie est réduite de 5 ans.

Bref, " un ensemble de raisons qui font le bonheur de nombreuses femmes de l'agglomération " !

Il faut une bonne dose de cynisme au directeur du site de Sochaux pour écrire qu'il compatit au désarroi provoqué par l'arrêt, suite à une baisse des prévisions de vente de la 607, d'une des deux équipes de nuit. Les ouvrières qui ont quitté les petites entreprises de la région pour venir travailler chez Peugeot avec des missions d'intérim et en espérant être embauchées apprécieront...

Au moment où chacun y va de ses bons voeux, il en est un que nous faisons : qu'à leur tour, en 2002, ce soient les actionnaires qui passent des nuits moins paisibles !

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