La guerre au Moyen-Orient : Des bombes contre l'Afghanistan... à la guerre entre l'Inde et le Pakistan ?11/01/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/01/une-1746.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

La guerre au Moyen-Orient : Des bombes contre l'Afghanistan... à la guerre entre l'Inde et le Pakistan ?

Après des semaines de marchandages, la force de paix de l'ONU serait paraît-il sur le point d'être déployée en Afghanistan. Le gouvernement français s'efforce de faire valoir le rôle qu'y jouera la France. Mais quelle hypocrisie de la part de Chirac, Jospin et les autres d'oser parler de " paix " quand, au même moment, les raids aériens américains continuent à l'est et au sud du pays !

Car chaque jour ce sont des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants qui meurent dans les débris de leurs villages pilonnés par les bombes. En guise de justification à ces actes ignobles, les dirigeants américains invoquent la chasse aux combattants d'al-Qaeda ou au leader taliban, le mollah Omar. Mais en fait, ces méthodes terroristes ne peuvent avoir d'autre but que de soumettre toute une population au régime qui vient de s'installer à Kaboul sous l'égide de Washington. La voilà la " paix " dont la force de l'ONU est censée être garante, une paix contre les peuples !

Réactions en chaîne dans la région

Et que dire de l'autosatisfaction du premier ministre britannique Tony Blair, saluant les bienfaits de la " guerre contre le terrorisme " pour toute la région, alors qu'au même moment des bruits de bottes se font entendre en Inde et au Pakistan, soulevant la menace d'un conflit ouvert entre ces deux géants régionaux ?

Car depuis la mi-décembre, le gouvernement indien du parti intégriste hindou BJP s'est lancé dans une politique belliciste vis-à-vis du Pakistan. Prenant prétexte d'un attentat contre le Parlement de New Delhi, commis le 13 décembre par un commando intégriste islamiste venu du Pakistan, les dirigeants indiens ont emboîté le pas à Bush en déclarant eux aussi la guerre au terrorisme, avec les mêmes formules guerrières, mais en prenant pour cible le Pakistan.

Depuis, la mobilisation militaire est montée en puissance de part et d'autre de la frontière. L'Inde a d'abord interdit les vols pakistanais au-dessus de son espace aérien puis fermé complètement la frontière entre les deux pays. Les populations frontalières ont été déplacées de force vers l'intérieur tandis que des unités des deux armées prenaient position de part et d'autre de la frontière. Depuis le 1er janvier les tirs de mortiers lourds ne cessent de résonner, au Cachemire bien sûr, zone où les deux pays se livrent depuis plus d'un demi-siècle une guerre larvée, mais aussi dans l'Etat voisin du Punjab. Et chaque jour les communiqués officiels annoncent la destruction de hameaux ou de postes frontaliers d'un côté ou de l'autre.

Cette escalade belliqueuse mènera-t-elle à une guerre ouverte, qui constituerait alors une catastrophe bien pire encore que celle qui a frappé le peuple afghan ? On ne peut le dire. Sans doute y a-t-il dans le discours guerrier des uns et des autres une bonne part de démagogie. Les deux pouvoirs s'apprêtent dans les mois qui viennent pour des échéances électorales qui risquent de leur être fatales. Tous deux ont intérêt à détourner le mécontentement de leur population, tout en renouvelant leur crédibilité par une attitude " ferme " face à l'ennemi de toujours.

Mais au-delà de ces calculs, cette mobilisation guerrière peut aussi se révéler être un engrenage mortel.

Le jeu du BJP et celui des Etats-Unis

Face aux exigences indiennes - que le Pakistan lui livre des têtes parmi les groupes intégristes accusés d'avoir joué un rôle dans l'attentat du 13 décembre - le général pakistanais Musharraf ne dispose que d'une faible marge de manoeuvre. Céder serait faire la part belle non seulement aux intégristes, mais à tous les adversaires du régime qui jouent depuis longtemps la carte anti-indienne. Ce serait aussi se heurter de front avec une fraction de l'armée qui a partie liée avec les intégristes. Sauf à mettre en danger l'avenir de son propre régime, il ne reste à Musharraf que le recours à des mesures d'apaisement peu susceptibles de satisfaire les dirigeants indiens, ou bien la fuite en avant.

L'initiative revient donc, pour l'essentiel, à l'Inde - ce qui ne fait que refléter le rapport des forces réelles entre un pays qui compte plus d'un milliard d'habitants et son adversaire qui en compte huit fois moins. Or les dirigeants indiens ont, eux, des objectifs qui dépassent le seul cadre politicien. Cela fait longtemps que le régime du BJP cherche à obtenir des Etats-Unis qu'ils abandonnent le Pakistan et choisissent l'Inde comme allié privilégié dans la région. Et ils pensent sans doute pouvoir forcer la main de Washington en faisant du Pakistan non plus un allié présentable dans la lutte contre le terrorisme, mais un des facteurs du terrorisme, quitte même à proposer leurs services pour faire eux-mêmes le nettoyage au nom de la croisade lancée par Bush. A moins, peut-être, que les Etats-Unis se résolvent, pour calmer le jeu, à faire des concessions à l'Inde - ne serait-ce qu'en prenant son parti dans la question du Cachemire, ce qui pourrait transformer la guerre larvée du Cachemire en véritable explosion.

Autant dire que bien des facteurs jouent dans le sens d'une aggravation de la situation et rendent son issue incertaine.

Il est sûr, en revanche, que la politique criminelle de Bush n'aura donc pas seulement eu pour résultat d'infliger un bain de sang à la population afghane. Elle aura aussi offert l'occasion à des régimes réactionnaires tels que ceux de Sharon en Israël et du BJP en Inde, de jouer leurs propres cartes aux dépens des peuples, au risque de déclencher de nouvelles catastrophes. Ce genre de réactions en chaîne découlant de la politique des grandes puissances ne sont sans doute pas nouvelles. Mais elles deviennent de plus en plus coûteuses et intolérables pour l'humanité dans son ensemble, tout comme le système capitaliste lui-même.

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