En euros comme en francs, il faut changer la répartition des richesses !11/01/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/01/une-1746.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

En euros comme en francs, il faut changer la répartition des richesses !

En France comme dans le reste de l'Europe, les dirigeants politiques se félicitent du fait que le passage à l'euro se soit déroulé facilement. Évidemment, la population ne partage pas en général les imbécillités nationalistes d'un certain nombre de politiciens qui croient trouver une audience en prenant des poses de chevaliers sans peur défendant la monnaie nationale. On ne voit pas en quoi les travailleurs, la population pauvre auraient quoi que ce soit à défendre dans l'existence envers et contre tout d'une monnaie nationale, le franc, au moment où les capitalistes européens eux-mêmes décident de se doter d'une monnaie commune.

Bien sûr, ces capitalistes ont fait l'euro parce que cela facilite leurs affaires et pas en se souciant des intérêts des travailleurs des différents pays d'Europe. Mais pour ceux-ci le passage à l'euro aura au moins un aspect positif : ils pourront directement comparer, d'un pays à l'autre, leurs salaires et les prix.

Mais de toute façon, le changement de monnaie une fois effectué, chacun peut se rendre compte qu'il n'est pas mieux payé qu'avant, voire qu'il l'est moins car le passage à l'euro est l'occasion de nombreux dérapages des prix, toujours vers le haut, bien sûr. Et évidemment on peut s'attendre à ce qu'il n'y ait pas une telle tendance à déraper vers le haut en ce qui concerne les salaires !

Le problème n'est pas l'instrument de mesure, c'est la mesure elle-même. Or, la monnaie n'est que cet instrument. Le problème, ce sont les montants relatifs des salaires et des prix, et la répartition des richesses de la société qu'ils traduisent. Et personne, parmi ceux qui dirigent cette société, n'envisage d'agir pour modifier cette répartition : ni le patronat, ni le gouvernement actuel, ni les candidats non déclarés Chirac et Jospin, qui d'ailleurs sont déjà au pouvoir et se congratulent lors des voeux de nouvel an, avant de s'affronter dans les mois qui viennent pour savoir lequel des deux occupera, dans l'avenir, le premier fauteuil de l'Etat.

Les médecins libéraux, qui font grève ces jours-ci, ne sont sans doute pas parmi les catégories les plus à plaindre. Mais déclarer, comme l'a fait la ministre de la Santé Guigou, que les revendications des médecins sont " excessives " relève d'un profond mépris et d'une belle hypocrisie. Car même à 130 F la consultation, soit à peu près 20 euros, on ne peut pas dire que les généralistes seraient cher payés, surtout s'ils consacrent vraiment à chaque malade le temps qu'il faut pour l'ausculter et établir un diagnostic.

En fait, n'en déplaise à Guigou, les revendications des médecins généralistes rejoignent celles des personnels des hôpitaux : une prise en charge sérieuse de la santé publique exige le déblocage des crédits nécessaires. Or justement, ces jours-ci, des grèves continuent dans différents hôpitaux parce que la situation est devenue intenable. Le gouvernement a bien parlé de réduction du temps de travail et d'embauches dans les hôpitaux, mais cela reste sur le papier. En réalité les horaires s'allongent faute de personnel et celui-ci a de plus en plus de difficultés à accueillir correctement les malades.

Ce n'est pas l'argent qui manque dans cette société. Mais il faut savoir à quoi il sert. La fausse réduction du temps de travail due au gouvernement Jospin a surtout servi de prétexte à verser des subventions au patronat en même temps qu'à lui permettre d'imposer la flexibilité des horaires de façon à exploiter encore la main- d'oeuvre comme cela l'arrange. Mais quand on parle de stopper la dégradation des services publics, qu'il s'agisse des hôpitaux, des transports ou de l'éducation, le gouvernement a invariablement la même réponse : pour toutes ces dépenses, qui pourraient servir à améliorer réellement la vie de la population, qui permettraient aussi de créer des centaines de milliers d'emplois utiles à la collectivité, il dit n'avoir plus d'argent.

Pendant ce temps le grand patronat, les banques continuent de faire des affaires en or malgré le ralentissement économique dont tout le monde parle. Car ceux à qui on le fait payer sont les travailleurs, les chômeurs, les licenciés de Moulinex, de Bata, de Marks et Spencer ou d'ailleurs que, après des années passées à travailler dans la même entreprise, on laisse sur le carreau avec des indemnités dérisoires et sans possibilité de retrouver un emploi.

Alors oui, c'est cette répartition des richesses, ce sont ces choix toujours en faveur des plus riches qu'il faut changer. C'est à l'avidité des patrons et au cynisme des dirigeants politiques à leur service qu'il faut mettre un terme.

Les travailleurs en ont la force, s'ils se mobilisent tous ensemble à l'échelle du pays, voire au-delà des frontières maintenant qu'une monnaie commune met les travailleurs des différents pays directement en mesure de vérifier les différences et de voir qu'ils sont aussi mal payés les uns que les autres. Et ils ont même la force et la capacité de changer ce système capitaliste, incohérent, injuste et de plus en plus intolérable.

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