Nationalisée ou privée, l'industrie de l'armement profite aux capitalistes09/11/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/11/une-1738.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Nationalisée ou privée, l'industrie de l'armement profite aux capitalistes

Dans la série de ses bilans annuels, la Cour des comptes a publié un rapport sur "Les industries d'armement de l'État". Elle ne se contente pas de relever un certain nombre d'anomalies, comme le fait que le char Leclerc, commandé en 1982 à un prix unitaire de 15 milions de francs, serait revenu finalement 104,36 millions, dix fois plus. Elle propose aussi, pour l'ensemble du secteur, des restructurations, des fusions et des privatisations.

Quatre groupes sont visés : la SNPE, Société nationale des poudres et explosifs, plus de 5 000 salariés ; le Service de maintenance de l'aéronautique (SMA), 3 300 salariés, qui comprend en particulier les Ateliers industriels de l'aéronautique (AIA) ; le GIAT (Groupement industriel des armements terrestres) et la Direction des chantiers navals (DCN), qui en 1997 employaient encore respectivement 11 500 et 21 000 travailleurs et qui, même s'ils n'ont cessé de perdre des emplois, représentent encore des effectifs importants.

Les perspectives suggérées par la Cour des comptes sont du même style que ce que réalisent tous les groupes industriels contre leurs travailleurs, pour doper leurs profits et sous prétexte de concurrence et de sureffectifs.

Pour la SNPE, dont les résultats sont excellents selon les rapporteurs, les activités spatiales et militaires pourraient être regroupées avec le secteur correspondant de la Snecma (dont la privatisation est souvent évoquée), les activités civiles rejoignant un autre groupe. Pour le SMA, c'est aussi vers les constructeurs aéronautiques (EADS, Snecma) que la Cour des comptes regarde, mais en envisageant réductions d'effectifs et fermetures de sites. Mêmes solutions pour GIAT : contraction de personnel, fermetures, sous-traitance. Quant aux Chantiers navals de la DCN, il faudrait aussi les restructurer, ce que devrait faciliter la décision récente du gouvernement de transformer la DCN en "société détenue par l'Etat".

La question qui se pose, c'est le sort des travailleurs. Car, aussi bien à l'occasion de restructurations, mutations, regroupements d'activités que lors des réductions de postes et fermetures de sites, ce sont les emplois qui sont visés.

Les syndicats CGT, relayés par le PCF, s'indignent du fait que "c'est toute une industrie de souveraineté que les pouvoirs politiques assassinent à petit feu" et dénoncent "une politique libérale européenne impulsée par Bruxelles".

Pourtant, qu'elle soit française ou européenne, nationalisée ou privée, l'industrie d'armement n'a jamais fonctionné autrement qu'au profit des capitalistes. Le plus important n'est pas que ce soit l'État ou tel groupe privé qui contrôle telle usine, c'est de savoir où les profits sont engrangés.

Un char d'assaut "national" peut être vendu à prix coûtant : cela n'empêche pas les fournisseurs privés de plaques de blindage, de mitrailleuses ou d'électronique d'empocher des profits, et cela quelle que soit leur nationalité. Même si les avions de combat n'étaient plus produits par Dassault, mais par l'État, Thomson et Matra continueraient à faire leurs profits en les équipant en électronique et en armes.

Alors, les travailleurs des industries d'armement de l'État ont certes de quoi être inquiets des perspectives que la Cour des comptes semble leur tracer. Mais on aurait tort de croire que, si leurs usines restaient françaises et contrôlées par l'État, ils n'auraient plus rien à craindre. Car le poison du capitalisme n'est pas plus arrêté par les frontières que par le fait que l'État serait actionnaire. Même quand cet Etat est dirigé par un gouvernement qui se prétend de gauche.

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