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Dans les entreprises
Moulinex Caen : Licenciements et grosses fortunes
À l'usine Moulinex de Cormelles-le-Royal, dans la banlieue de Caen, après le choc de l'annonce du plan Seb, les actions, qui s'étaient ralenties pendant quelques jours, ont repris et il y a eu quasiment une action chaque jour : blocage du rond-point qui mène à la nationale 13 (celle qui va vers Paris), blocage du périphérique de Caen pendant plusieurs heures, manifestation avec les travailleurs d'une autre entreprise devant fermer ses portes à l'occasion de la venue d'une secrétaire d'État, etc. Et le samedi 10 novembre, une manifestation est prévue à Caen.
Les travailleurs se battent au moins pour obtenir des indemnités de licenciements dignes de ce nom. Et ce serait la moindre des choses ! Dès maintenant, alors que Moulinex dit ne plus pouvoir payer les salaires, tout le monde se rend compte que c'est un plan social a minima, et payé par l'État, qui se prépare. Les salaires d'octobre seront versés avec un petit retard, mais on ne sait pas bien par qui. Et la responsabilité ayant été diluée par le dépôt de bilan, le jugement du tribunal et la reprise par Seb, procédures couvertes par le gouvernement, on a l'impression que les licenciements ne sont plus décidés par tel ou tel patron et que la décision est inéluctable. Mais ce n'est pas une raison pour arrêter de se faire entendre.
Dans la région, les pratiques de Moulinex sont bien connues. Beaucoup de travailleurs ont subi plusieurs plans sociaux, déplacés d'une usine à l'autre, avant le désastre actuel, et l'histoire de l'entreprise est édifiante : le groupe s'est construit à partir d'une entreprise familiale, la première usine montée par Mantelet à Alençon. C est grâce aux bénéfices faits sur le dos de ses travailleurs que Mantelet a fini par posséder de nombreuses usines dans le département et au-delà, pour faire de Moulinex un groupe d'envergure international. Après Mantelet et sa femme, qui sont morts sans héritier, la propriété et la direction du groupe sont passées dans les mains de divers hauts dirigeants, "héritiers spirituels de Mantelet", comme on disait dans la région, avant que des gens comme Naouri ne s'en mêlent.
Ces dirigeants "maison" ne se sont pas oubliés au passage. Ainsi le premier, Darneau, est maintenant une des grosses fortunes de la région. Il possède dans une ville proche de Caen, Ranville, un coquet manoir.
Certains de ses dirigeants s'étaient fait construire une entreprise produisant des produits électroménagers pour bateaux de plaisance, nécessitant des basses tensions, fours à micro-onde marchant sur 12 volts par exemple. Moulinex fabriquait les pièces que cette entreprise assemblait et commercialisait.
Autre exemple : le président du conseil régional de Basse-Normandie, René Garrec, lui aussi grosse fortune de la région, y possédant un château, a fait partie du conseil de surveillance du groupe. Il est lié à Darneau et à d'autres hauts cadres. C'est le même Garrec qui parle maintenant d'enquêtes sur l'utilisation des fonds publics par Moulinex. Autant dire que ces enquêtes seront de la poudre aux yeux avec de pareils enquêteurs !
Alors, les ouvriers et les ouvrières de Moulinex ont bien raison d'être en colère : des financiers italiens aux profiteurs locaux, il y aurait bien du monde à qui demander de prendre sur leur fortune - amassée sur la sueur des travailleurs - pour payer la casse dont ils sont responsables.