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- Lutte ouvrière n°1738
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Leur société
Les médecins diplômés à l'étranger en grève
Les médecins ayant fait leurs études à l'étranger, qui du coup ont des diplômes étrangers, et qui exercent en France sont victimes d'une injustice flagrante. Dans un certain nombre d'hôpitaux de la région parisienne tels que Lariboisière, Trousseau, Avicenne ou encore au centre anti-poison Fernand-Vidal, ils se sont engagés dans une grève des gardes pour protester contre une décision prise il y a quelques mois par les ministres de l'Economie et de l'Emploi.
La Cour des comptes a jugé inadmissible que ces médecins, le plus souvent d'origine étrangère, baptisés "attachés-associés", aient leurs gardes rémunérées au même tarif que leurs collègues titulaires. Le gouvernement, au lieu d'éliminer cette discrimination, lui a emboîté le pas. En vertu d'un arrêté, le tarif des gardes de nuit passe de 1 520 F à 1 250 F brut environ à partir du 1er novembre. Et ce uniquement pour cette catégorie de médecins. "Pour le même travail, pour le même nombre d'heures, le même stress et les mêmes responsabilités médico-légales, nous serons moins rémunérés", s'indigne à juste titre un médecin d'origine libanaise exerçant à l'hôpital Lariboisière et à Georges-Pompidou à Paris.
Cette mesure vient se surajouter à une situation déjà scandaleuse. Les médecins à diplôme étranger, au nombre de 8 000 dans les hôpitaux publics, connaissent un statut on ne peut plus précaire puisqu'ils sont payés à la vacation et peuvent être remerciés du jour au lendemain. Par ailleurs, ils ne touchent que 55 % du salaire d'un titulaire exerçant des fonctions équivalentes. Ainsi un médecin "associé" interviewé sur France 3 expliquait qu'il assurait six vacations par semaine, pour un salaire net de 5 200 francs par mois. Pas étonnant dans ces conditions que pour augmenter leurs appointements ils enchaînent les gardes de nuit qui sont particulièrement pénibles, tant sur le plan des horaires que par le nombre réduit de personnel, et donc peu recherchées par les autres médecins. D'ailleurs les médecins "associés" assurent à eux seuls 65 % des gardes et des urgences en France. À l'hôpital Lariboisière dans le Xe arrondissement de Paris par exemple, sur les quatre anesthésistes de garde chaque nuit, la moitié sont "associés". Il en est de même de la moitié des psychiatres assurant la continuité des soins de nuit.
Autre exemple : le centre anti-poison le plus important de France, Fernand-Vidal, ne compte que deux médecins titulaires, contre vingt-cinq vacataires et sept internes ; les attachés associés y assurent 70 % des gardes. Ce service reçoit plus de 50 000 appels par an, autrement dit, le quart des demandes d'avis sur des toxiques émises en France par les Urgences, les Samu, les pompiers et les services de réanimation de la région Ile-de- France. Ces derniers jours, ce centre a été très sollicité à propos de nombreux cas de contact avec des enveloppes suspectes. Cette situation fait dire à son responsable, Georges Lagier, cité par Le Figaro : "Le service (...) emploie à un salaire de femme de ménage des médecins étrangers qui ont une expérience unique, entre cinq et quinze ans d'ancienneté dans une discipline moribonde, la toxicologie. S'ils décident, comme c'est leur droit, pour se faire entendre, de ne plus prendre de gardes, je ferme le service de nuit."
C'est dire à quel point leur travail est indispensable au fonctionnement de nombre de services hospitaliers. À la pénurie générale de personnel de toutes qualifications orchestrée par le gouvernement au nom de la rentabilité des hôpitaux s'ajoute une attaque particulièrement choquante à l'encontre des médecins d'origine étrangère. Celle-ci est menée avec la complicité d'une partie des médecins qui, sous prétexte de défendre la valeur "nationale" de leur diplôme, ne font que défendre une caste de plus en plus étroite, qui bénéfice d'appuis dans les rangs du pouvoir.