France - Burkina-Faso : Des relations politico-commerciales au beau fixe09/11/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/11/une-1738.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Dans le monde

France - Burkina-Faso : Des relations politico-commerciales au beau fixe

Du 11 au 16 octobre dernier, Blaise Compaoré le président-dictateur du Burkina Faso a été reçu par Chirac et Jospin, par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, et par le secrétaire national du Parti Socialiste, François Hollande. Celui-ci a tenu à l'inviter au siège du PS pour "s'entretenir avec lui de la situation des droits de l'homme dans son pays" ; alors même que les militants de Reporters sans Frontières qui étaient venus demander des comptes à Compaoré sur l'assassinat du journaliste burkinabé, Norbert Zongo, devant le siège du PS, étaient brutalisés et interpellés par la police française...

L'impérialisme français accorde beaucoup d'égards à un dictateur dont le règne est entaché par de nombreux assassinats d'opposants politiques ou d'ex-compagnons d'armes, à commencer par celui en 1987 de Thomas Sankara, leader nationaliste qu'il a fait exécuter, lors du coup d'Etat qui l'a porté au pouvoir. Il faut dire que les milliards de profits des multinationales françaises présentes dans le pays sont en jeu.

Un régime qui a du sang sur les mains

Blaise Compaoré a mis le pays en coupe réglée, tandis que les hiérarques du régime se sont compromis dans toutes sortes de trafics, d'armes, de diamants, avec les rébellions sierra-léonaises et angolaises, tout en tentant de museler l'opposition intérieure du pays. C'est en enquêtant sur les "dossiers noirs" du régime, impliquant le propre frère du président, que Norbert Zongo, avait été assassiné, le 13 décembre 1998. Cet assassinat dans lequel était directement impliqué le pouvoir déclencha la plus grande crise politique et sociale que connut le Burkina Faso après la mort de Sankara. Des dizaines de milliers de manifestants, jeunes, étudiants et ouvriers, manifestèrent devant le siège du parti au pouvoir, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et malgré la répression, 15 000 personnes assistèrent aux obsèques du journaliste assassiné. L'année 1999 fut marquée par une vague d'agitation sans précédent que la répression ne réussit pas à faire cesser. Un an après, à la date anniversaire de l'assassinat, trente mille personnes manifestèrent au nom de "Trop, c'est trop", défiant ainsi le régime.

Malgré l'annulation de la dernière année universitaire, les arrestations de plusieurs directeurs de journaux pour "atteinte à la sûreté de l'Etat" ou "incitation à la rébellion", la suspension d'émissions de deux radios privées locales, l'expulsion des journalistes de Reporters sans Frontières, l'interdiction du premier festival de la liberté d'expression et de la presse en Afrique de l'Ouest et l'assassinat d'opposants, la contestation continue encore aujourd'hui. Le régime n'a toujours pas réussi à interdire la presse, très critique à l'égard du pouvoir. Et cela malgré les menaces qui planent sur elle comme le rappelle le récent assassinat de Michel Congo, le 21 octobre dernier, tout jeune journaliste du Journal du Jeudi, un hebdomadaire satirique d'opposition. Et c'est le chef d'un tel régime politique que les dirigeants politiques français y compris du PS viennent de recevoir !

Une partie de la presse française a vu dans cette visite officielle le "retour en grâce" de Compaoré après un refroidissement des relations, relatif désaveu lorsque le Burkina avait été impliqué dans le trafic de diamants et d'armes.

Mais, les relations politico-financières entre la France et le Burkina n'ont jamais vraiment cessé. En témoigne le nombre d'entreprises et de multinationales françaises présentes dans ce petit pays sahélien, l'un des plus pauvres de la planète, mais qui recèle suffisamment de richesses comme le coton, par exemple, pour intéresser les grandes compagnies comme la CFDT (Coton), Total, Elf, Bolloré, Air Liquide, Accor, Air France, autant de multinationales qui font des affaires au Burkina. Ces entreprises contrôlent la quasi totalité de l'économie burkinabé dans le secteur de l'importation et de la distribution de produits d'équipements, de produits et de matériels de grande consommation, de produits pharmaceutiques ; mais aussi dans les secteurs industriels et de l'agro-alimentaire. Dans le secteur des banques et des assurances, dominent la BNP, la Société Générale, Athéna. La France est le premier investisseur au Burkina et elle maintient sa présence militaire notamment à travers la formation, les stages et l'appui à l'école de police.

On comprend pourquoi l'Elysée et Matignon ont déroulé le tapis rouge au pied du président-dictateur burkinabé !

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