Film : "le cas Pinochet" de Patricio Guzman09/11/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/11/une-1738.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Divers

Film : "le cas Pinochet" de Patricio Guzman

Ce film raconte les cinq cents jours où le dictateur chilien, Pinochet, fut retenu en Grande-Bretagne pour répondre de la demande d'extradition lancée à son encontre par le juge espagnol Baltasar Garzon, qui avait réuni un certain nombre de dossiers de personnes demandant la mise en accusation du dictateur pour différents crimes commis après le coup d'État du 11 septembre 1973.

L'ensemble de la crise a été filmé et une partie des protagonistes interviewés. On suit donc le dictateur qui vient, à Londres, pour consulter des spécialistes pour sa santé, rencontrer ses amis (l'ex-Premier ministre Margareth Thatcher et un homme d'affaires, qui vaut son pesant de préjugés) et faire des courses dans les magasins huppés de la capitale britannique. Puis c'est le coup de théâtre : sa demande d'extradition improbable, mise en délibéré à deux reprises. Son extradition vers l'Espagne, pour y être jugé, est acceptée à deux reprises. En droit - nous vivons dans le fameux "État de droit", n'est-ce pas - l'extradition est prononcée. Les juges britanniques gardent leur flegme mais les dossiers présentés par les requérants sur les tortures et les assassinats sont accablants. Pour les familles des militants assassinés, c'est l'espoir.

Puis, du jour au lendemain, comme l'explique un des avocats, les dirigeants politiques ont repris la main et ont, en quelque sorte, congédié juristes et hommes de loi, en sifflant la fin de la récréation. Et, sous prétexte de la santé chancelante du vieux dictateur (on pense alors aux recours déposés pour Papon), il est renvoyé dans son cher pays où on le voit débarquer souriant et guilleret. La farce est jouée et le criminel d'État, pour qui il n'existe pas de cour de La Haye, retrouve l'affection de ses amis (les hauts cadres de l'armée chilienne) et de sa famille (la droite réactionnaire). La caméra balaye tout ce beau monde qui se congratule au pied de l'avion du dictateur.

On suit également les macabres recherches d'un juge chilien qui lui aussi a cherché, sans succès, à coincer le dictateur, puisque là encore les poursuites sont suspendues pour de fausses raisons. On découvre les charniers où les militaires tortionnaires ont enterré à la va-vite les opposants persécutés. La caméra nous fait visiter l'une des villas qui servait de centre de torture. Ce qui s'y passait est raconté, sobrement, par différents témoins, militants et opposants rescapés. Ils racontent, avec émotion, leur propre calvaire, leurs camarades assassinés devant eux, sans renier leurs convictions.

On entrevoit la sérénité de ceux qui ont résisté, la fierté de ne pas avoir baissé les bras ou de défendre la mémoire d'un père qui n'a pas cédé, et même l'espoir toujours vif d'un monde meilleur, comme l'exprime cette mère de famille, dont les deux jeunes fils de 20 ans ont été assassinés au milieu des années quatre-vingt, à un moment où une partie de la gauche chilienne espérait chasser le dictateur par la lutte, et qui voit se prolonger le combat de ses enfants assassinés dans celui mené par d'autres jeunes aujourd'hui.

Un document simple, sans fard, souvent émouvant et malheureusement visible dans une seule salle à Paris.

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