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- Lutte ouvrière n°1734
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Voir : "No man's land" de Danis Tanovic
Voilà un film qu'il faut voir, particulièrement en ce temps de bruits de bottes.
Il a été réalisé par un Bosniaque qui a vécu lui-même le siège de Sarajevo, comme soldat puis caméraman ; sa dénonciation de cette guerre de Bosnie est d'autant plus forte qu'elle vient en somme de l'intérieur, et même de l'intérieur d'une unique tranchée : l'histoire est en effet celle de deux soldats, l'un serbe, l'autre bosniaque, qui se retrouvent coincés malgré eux dans cette tranchée perdue entre les lignes serbes et bosniaques où se déroule l'essentiel du film. Un troisième homme est aussi présent, un autre Bosniaque, dont un soldat serbe a piégé le corps en plaçant dessous une bombe amorcée...
Ce piège et ses conséquences symbolisent le sort de ces hommes, serbes comme bosniaques. Ils se retrouvent là, sans l'avoir voulu, pris dans un engrenage mortel. Et pourtant la situation crée entre eux, par moments, une forme de solidarité, la possibilité de se comprendre peut-être : ils parlent la même langue, ils sont plus des civils que des chiens de guerre, Ciki le débraillé désabusé avec son T-shirt des Rolling Stones et le jeune Nino avec ses petites lunettes d'étudiant et son uniforme tout neuf, qui ne cesse de tendre la main en se présentant...
Les élans qui parfois pourraient les rapprocher sont à contre-temps, ou bien à peine esquissés, mais ils ont lieu, comme par exemple quand ils se rendent compte qu'ils ont connu une même jeune fille, avant, à Banja Luka. Mais la situation, l'enchaînement des circonstances entraînent inévitablement la reprise de l'affrontement entre eux. Et les choses dégénèrent encore quand la hiérarchie des "casques bleus" de l'ONU est amenée à s'en mêler et, bien sûr, les médias.
L'auteur souligne toute l'absurdité de ce conflit sans faire de discours et avec pas mal d'humour noir. On est même amené à sourire quand Ciki et Nino s'envoient réciproquement à la tête l'accusation d'avoir déclenché le conflit, sans autre argument. (A propos de cette responsabilité, Danis Tanovic se borne d'ailleurs à évoquer, au passage, à travers des images d'actualité de l'époque, celle du chef des nationalistes serbes de Bosnie, Karadzic, et à épingler... Mitterrand). Mais la satire se fait féroce quand il s'agit du rôle joué par la Forpronu, ainsi que du comportement des journalistes, qui se livrent ensemble à un show indécent autour des hommes de la tranchée.
L'image de la fin, la conclusion, pleine d'amertume, est difficile à oublier.