Un policier acquitté : Le droit de tuer pour la police ?05/10/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/10/une-1733.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Leur société

Un policier acquitté : Le droit de tuer pour la police ?

"Maintenant, la police a le droit de tuer, en particulier des Maghrébins" : par ce cri lancé aux journalistes, présents à la sortie de la salle de la cour d'assises des Yvelines, qui venait d'acquitter le policier ayant il y a plus de dix ans abattu d'une balle dans la nuque Youssef Khaif, un jeune, sa mère exprimait la révolte que ce verdict provoquait parmi tous les jeunes présents à ce procès.

Les avocats du policier invoquèrent pour sa défense le contexte de ce drame, qui s'était produit, il y a dix ans, dans une cité du Val-Fourré, d'abord la mort d'une de ses jeunes collègues, heurtée de plein fouet par une autre voiture quelques instants auparavant, et plus largement tout ce qui fait le quotidien du métier de policier dans certains quartiers et certaines banlieues, les insultes et les injures, les jets de pierre et parfois les affrontements physiques. Cette situation est certes réelle mais ne peut en rien excuser, ni justifier, l'exécution d'un jeune homme, qui d'ailleurs n'avait rien à voir avec ce qui s'était passé précédemment. La situation ainsi décrite existe effectivement dans des quartiers et banlieues, où la seule réponse apportée par les pouvoirs publics se résume à des interventions policières épisodiques et brutales. L'arrogance et le mépris affichés par de nombreux policiers est trop souvent le lot que l'on sert aux jeunes. Un racisme à peine dissimulé ne peut que solidariser les jeunes contre la présence policière.

Dans ce drame du Val-Fourré, la justice n'a guère fait preuve de diligence. Dans un premier temps elle s'est montrée peu curieuse des circonstances de la mort de Youssef Khaif. Le procureur de la République de Versailles avait refusé d'engager des poursuites contre le policier incriminé, invoquant un "état de nécessité". Pour imposer la mise en route d'une information judiciaire, la famille de Youssef Khaif avait dû porter plainte et se porter partie civile. Sept ans plus tard, en 1998, le juge d'instruction chargé de l'affaire déclara le non-lieu, "des nécessités réelles et urgentes justifiant - selon lui - des mesures exceptionnelles d'intervention". Tout au long de ces années le policier Pascal Hiblot ne fut jamais emprisonné ni mis à pied. Il fut tout juste muté dans un autre service. La famille de la victime et le parquet firent appel et obtinrent de la cour d'appel de Versailles une inculpation pour "coups mortels". A l'issue de ce procès, le procureur avait demandé une peine de prison avec sursis. Le jury ne l'a pas suivi. Ce jugement montre encore une fois qu'il existe deux poids, deux mesures. Une justice clémente pour ceux qui agissent pour la défense de l'ordre, y compris en abusant de leur droit. Et une autre implacable pour ceux du bas de l'échelle. Le jeune conducteur dont la voiture aurait renversé la jeune collègue de Pascal Hiblot et a provoqué sa mort a été, lui, condamné à dix ans de prison. La comparaison de ces deux verdicts a de quoi choquer !

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