Un changement social, ce n'est pas au parlement, mais dans la rue qu'il s'impose01/06/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/06/une-1716.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

Un changement social, ce n'est pas au parlement, mais dans la rue qu'il s'impose

Le vote du projet de loi pompeusement baptisée "loi de modernisation sociale" a finalement été repoussé de quinze jours par Jospin. Cela donne un sursis au PCF, qui avait annoncé son intention de voter contre, mais cela ne changera certainement rien à la substance de cette loi.

Ce texte prétend être une réponse du gouvernement aux suppressions d'emplois annoncées par des entreprises qui affichent, pour la plupart, des bénéfices en hausse. Mais tout le monde sait déjà que ce n'est que poudre aux yeux. Le gouvernement se refuse à interdire les licenciements collectifs, y compris dans des entreprises qui sont largement bénéficiaires. Il ne se propose même pas de rendre ces licenciements plus chers pour les entreprises qui y recourent. Tout ce qu'il propose, c'est d'augmenter le montant des indemnités minima, bien inférieures à ce qui se pratique déjà dans les grandes entreprises. C'est-à-dire qu'en fait celles-ci pourront licencier comme elles le veulent, quand elles le veulent, comme par le passé.

Les patrons ont beau engranger toujours plus de bénéfices, ils n'en ont jamais assez. On a pu voir dimanche 27 mai, à la télévision, le PDG de Vivendi, Jean-Marie Messier, justifier des salaires de 5 000 F par mois en prétextant qu'avec les charges sociales, cela coûtait 8 000 F aux entreprises. Et en ajoutant que si le gouvernement supprimait ces charges sociales, les entreprises pourraient faire mieux (sans même dire qu'elles augmenteraient leur personnel). Mais ces "charges sociales", c'est l'argent qui finance la Sécurité sociale, les retraites. C'est cet argent que les patrons voudraient récupérer. Et le gouvernement va justement dans le même sens, lui qui veut précisément faire financer par la Sécurité sociale les subventions qu'il donne au patronat pour supporter les 35 heures.

Le gouvernement continue la politique des faux-semblants. Mais en fait il continue de considérer qu'il n'y peut rien, comme au moment de l'annonce des suppressions d'emplois chez Michelin, il y a quelque temps. Et s'il n'y peut rien, c'est parce qu'il est au service du grand patronat. C'est qu'il ne veut pas s'en prendre aux profits capitalistes.

Mais il désire tout de même recueillir les voix des travailleurs aux élections de 2002. Et pour désarmer la critique, il ose présenter ceux qui contestent sa politique comme des gens qui feraient le jeu de la droite. Prenez-moi comme je suis, dit en substance Jospin aux travailleurs, sinon la droite va revenir au pouvoir, et ce sera encore bien pire pour vous. Comme si, pour les pigeons que nous sommes à ses yeux, il y avait une telle différence entre être mangés rôtis ou en sauce.

Si lors des consultations électorales à venir les travailleurs se détournent du parti du Premier ministre, il n'aura à s'en prendre qu'à lui-même. Mais le monde du travail ne doit pas seulement montrer son rejet de la politique gouvernementale aux prochaines élections. Il doit dès à présent, dans les entreprises, dans la rue, exiger une autre politique, exiger que le gouvernement interdise tous les licenciements collectifs, en particulier dans les entreprises qui font des bénéfices, sous peine de réquisition.

C'est la raison pour laquelle Lutte Ouvrière appelle tous les travailleurs à manifester le 9 juin. Ce jour-là, à l'appel des organisations syndicales des entreprises touchées par cette vague de licenciements (comme Danone, Marks et Spencer ou Air Liberté), et d'organisations politiques, dont le Parti Communiste et Lutte Ouvrière, il faut qu'il y ait le plus de manifestants possible pour réclamer un changement de politique, pour manifester contre une politique non de "modernisation", mais de régression sociale.

Bien sûr, même si elle est réussie, cette manifestation ne suffira pas à faire reculer le gouvernement et le patronat. Mais ce sera une réponse qui redonnera confiance aux hésitants et aux résignés et ce sera une étape dans la préparation de la contre-offensive de la classe ouvrière qui s'impose, face aux attaques incessantes dont elle est l'objet.

Jospin a peur pour son élection. Mais il nous faut aussi faire peur pour leur place à tous les dirigeants, de droite comme de gauche. Et, au-dessus d'eux, il faut que le patronat ait peur pour ses profits.

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