Loi de modernisation sociale : Le gouvernement veut interdire d'interdire... les licenciements25/05/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/05/une-1715.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Loi de modernisation sociale : Le gouvernement veut interdire d'interdire... les licenciements

Mardi 22 mai a commencé la discussion parlementaire de la loi sur la modernisation sociale en projet depuis deux ans.

Cette loi avait été annoncée par le gouvernement comme un "acte fort" de la politique de réforme et accessoirement sociale du gouvernement. Cet "acte fort" avait cependant dû laisser la priorité à un acte bien faible... le référendum sur le quinquennat.

Le texte initial abordait de nombreux sujets : réforme des études médicales, placement des personnes handicapées, validation diplômée d'acquis professionnels, harcèlement moral sur le lieu de travail, etc. Mais la rafale de licenciements qui vient de toucher de nombreuses entreprises, notamment LU, Marks et Spencer, Valéo, AOM-Air Liberté, et bien d'autres, a mis au premier plan les chapitres concernant les licenciements économiques.

Jusqu'à présent, les alliés PCF du gouvernement ont vu tous leurs amendements rejetés par la commission des affaires sociales. Pour obtenir un peu mieux, ils agitent la vague menace de ne pas voter la loi ou de s'abstenir. Les Verts, pas plus satisfaits, appellent le gouvernement "à proposer des solutions qui permettent la protection des salariés et le soutien concret des collectivités concernées".

Interviewée par le quotidien patronal Les Echos, la ministre de l'Emploi, Elisabeth Guigou, a redit que le gouvernement "maintiendra le cap" et qu'il n'entend donc pas laisser ses alliés le faire dériver. "Il ne s'agit pas d'interdire les licenciements", a-t-elle souligné, pas plus que de rétablir l'autorisation administrative de licenciement. Elle s'en remet à la responsabilité des chefs d'entreprise pour éviter les licenciements massifs, c'est dire son impuissance.

Il s'agit, selon elle, de "demander aux chefs d'entreprise de faire des efforts supplémentaires en matière de reclassement et de réindustrialisation et de donner la parole aux représentants des salariés". Elle espère que "les chefs d'entreprise exercent leurs responsabilités sociales comme ils exercent leurs responsabilités économiques et financières, qu'ils engagent la discussion avec les salariés". La loi en discussion entend donc entériner la méthode attribuée à "LU-Danone" par opposition à la méthode "Marks & Spencer", le "bon" contre "la brute". Des distinctions qui ne pèsent pas lourd pour les travailleurs licenciés qui restent sur le pavé après des licenciements collectifs, et cela qu'on les ait annoncés brutalement ou en mettant des gants.

Quant aux alliés du Parti Socialiste, ils sont invités à "prendre leurs responsabilités". On leur suggère de se contenter d'un texte au mieux "amélioré sur les reclassements et les contrôles". Et Fabius lui a fait écho en mettant en garde contre des "décisions qui pourraient casser la confiance" des chefs d'entreprise. Les ministres du gouvernement de la Gauche plurielle se glissent dans les traces que leur ont indiquées les Seillière, Riboud et consorts au fil des dernières semaines.

Les députés du Parti Socialiste, qui ont préparé le texte, font grand cas de la suppression du mot "notamment" dans le code du travail, censé supprimer un flou sur les motifs de licenciements ("les licenciements peuvent être liés notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques"), une demande du PCF, mais les représentants du Parti Socialiste ont rajouté comme motif possible de licenciement les "réorganisations destinées à sauvegarder la compétitivité des entreprises", ce qui revient à accepter à peu près tous les licenciements du patronat puisque la compétitivité, présente ou future, des entreprises est devenue pour licencier l'alibi quasi universel.

Les alliés PCF, Verts et MDC du Parti Socialiste dénoncent cette formulation et proposent des amendements. Le PCF avance une autre définition des licenciements économiques et demande, comme la CGT, un "droit d'opposition", un droit de veto du comité d'entreprise afin de pouvoir suspendre un plan social jusqu'à ce que la justice ait tranché. Mais Maxime Gremetz, qui a multiplié les ronds de jambes à Elisabeth Guigou, a redit à France Inter qu'il ne s'agissait pas d'interdire mais de reprendre un dispositif suspensif du même type que celui existant en Allemagne, "pays libéral", comme il a tenu à le préciser.

Face à la fronde de ses alliés, fronde dont on verra si elle se maintient ou si elle s'étiole au cours de cette semaine parlementaire, le Parti Socialiste en est, comme de coutume, à accuser ses alliés de faire "le jeu de la droite" s'ils ne suivent pas servilement le Parti Socialiste quand il refuse de toucher en quoi que ce soit le sacro-saint droit de licencier du patronat. Mais le suivre sur ce terrain est justement faire le jeu du grand patronat !

En même temps, le Parti Socialiste tend déjà les "carottes" destinées à séduire ses partenaires. Le gouvernement pourrait, au cours du débat, accepter de pérenniser les emplois-jeunes, une des revendications du PCF. Mais rien de plus.

Alors l'issue de cette semaine parlementaire est trop prévisible, les députés de la Gauche plurielle, en accord ou pas avec le gouvernement, ne feront rien pour empêcher le patronat de poursuivre son offensive contre la classe ouvrière. Et les travailleurs ne peuvent compter que sur eux- mêmes, leur détermination et leurs luttes, pour imposer l'interdiction des licenciements.

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