Assistance Publique Hôpitaux de Paris : La mise en place des 35 heures25/05/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/05/une-1715.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Assistance Publique Hôpitaux de Paris : La mise en place des 35 heures

Les différents mouvements catégoriels qui se déroulent à l'Assistance Publique ne sont pas encore finis que celle-ci a déjà mis en place le chantier des 35 heures. Celles-ci doivent entrer en application au début de l'année 2002.

Un "monsieur 35 heures" qui a le profil de l'emploi

Jusqu'en avril 2001, la direction générale a construit le cadre des discussions. Elle a d'abord désigné un responsable, en la personne du directeur de l'hôpital Beaujon, qui se retire de plus en plus de la gestion de son établissement d'attache pour coordonner le projet des 35 heures. Membre du syndicat FO, il incarne parfaitement la volonté de l'administration : associer étroitement les "partenaires sociaux" à la réorganisation des conditions de travail. Gestionnaire "efficace", il a au cours des années fait baisser les effectifs et les dépenses de Beaujon, jusqu'à faire disparaître pendant quelques années les dépassements des crédits pourtant calculés au plus juste. Les changements au sein du Conseil d'administration de l'Assistance Publique, suite à la victoire électorale de Delanoë à Paris, l'ont encore porté en avant. Le souci de sa carrière ne peut laisser aucun doute sur sa volonté de réaliser la réforme au moindre coût.

Tout le monde dans les rangs !

L'Assistance Publique regroupe une soixantaine d'établissements. Le "Monsieur 35 heures" se trouve donc d'abord à la tête d'un "comité de pilotage" central dans lequel, à côté des administrateurs, des cadres et professionnels "experts", des places ont été offertes aux organisations syndicales. Elles ont été invitées à tout négocier : leur nombre, leur projet, leur façon d'intervenir. Toutes les précautions sont prises pour éviter une confrontation sur le terrain des luttes.

Pour alimenter la réflexion du comité, des enquêtes "transversales" (sur plusieurs services ou établissements) ont été réalisées, par l'administration et par certains syndicats : organisation actuelle, souhaits et besoins pour l'organisation future... Celles de l'Assistance Publique ressemblent furieusement à des audits.

Surtout, en même temps que le comité de pilotage central, l'Assistance Publique a mis en place des comités locaux, un par établissement. Il ne s'agit pas que les syndicalistes d'hôpitaux se sentent frustrés et contestent les unions syndicales de l'Assistance Publique.

Au premier trimestre, certains secrétaires syndicaux d'hôpitaux ont pris position contre ces comités locaux, faisant parfois d'éloquentes déclarations dans les conseils d'établissement et les CHS : ils dénonçaient à juste titre une tentative d'émietter le mécontentement. Début mai, tout est rentré dans l'ordre, et la plupart des syndicalistes sont à leur poste dans les comités. Chacun à sa manière : les uns ouvertement pour négocier au nom et en place du personnel, d'autres soi-disant pour observer ou informer seulement ; enfin, les rares qui refusent de siéger sont présents par l'intermédiaire de cadres et professionnels "experts" qui sont, en dehors du comité, des membres en vue de leur organisation. L'obsession des syndicats est de ne pas se trouver à l'écart des discussions, à quelque niveau qu'elles aient lieu.

La question du "curseur"

Tous les établissements de l'Assistance Publique fonctionnent sur le même modèle : trois équipes : jour, après-midi, nuit. La base légale du temps de travail reste les 39 heures, simplement "aménagées" - et non réduites - en 35 heures pour la nuit.

Il serait plus juste de dire que la majorité du personnel travaille en 78 heures toutes les deux semaines. Le rythme du plus grand nombre dans les services est en effet l'alternance d'une "grande semaine" de 7 jours, suivie de 2 repos, et d'une "petite semaine" de 3 jours, suivie elle aussi de 2 repos.

Le souhait exprimé le plus souvent est donc naturellement que les 35 heures se traduisent par une journée de repos tous les 14 jours, destinée à couper l'épuisante "grande semaine", la faisant passer de 7 jours à 3 jours + un repos + 3 jours. Cela exigerait de nombreuses créations de postes, 11,6 % en plus pour être précis : l'administration a fait le calcul.

Ce qu'en revanche le personnel redoute dans les circonstances actuelles, c'est une réduction quotidienne du temps de travail. Avec la journée de 7 heures, l'Assistance Publique se débrouillerait pour n'embaucher personne, se contentant de pratiquer les horaires décalés et de réduire les temps de chevauchement entre équipes. Ils servent pourtant à effectuer les "transmissions" d'une équipe à l'autre, et aussi, puisqu'on est plus nombreux, à permettre à ceux qui finissent leur service de prendre leur coupure et d'aller manger. Cette dernière façon de faire n'est d'ailleurs pas possible tous les jours, loin de là.

L'Assistance Publique a aussi chiffré cette hypothèse : zéro embauche ! Certains cadres ou chefs de service vont dans ce sens, en prétendant que, dans bien des endroits, le personnel ne travaille déjà pas plus de 35 heures. Alors que, dans la réalité, les dépassements d'horaires, heures supplémentaires comptabilisées ou non, sont très souvent la règle et non l'exception.

D'autres responsables, plus pessimistes ou lucides, se demandent comment ils pourront organiser le travail. Ils se voient obligés de supprimer le droit à toutes les pauses, par exemple d'interdire à une infirmière qui vient de faire un soin à un malade très grave d'aller se détendre quelques minutes avant de passer à un autre. Ils déclarent que cette pression supplémentaire entraînera des situations insupportables.

Pour l'Assistance Publique, la négociation avec les "partenaires sociaux" doit permettre de placer le "curseur" quelque part entre 10 % d'embauches supplémentaires (1 jour par quinzaine) et zéro embauche (1 heure en moins par jour).

Un par un, ou tous ensemble ?

Tous les syndicats, chacun avec son langage, se sont déclarés résolus à "réussir les 35 heures" au mieux des intérêts du personnel. Le moins que l'on puisse dire, c'est que celui-ci est très sceptique. Tout le monde sent que l'Assistance Publique veut aggraver les conditions de travail déjà si pénibles. Mais personne ne fait vraiment confiance aux "élus" pour s'opposer à cette volonté.

Des mois de grèves catégorielles selon le calendrier fixé par le ministère, quelques journées d'action en rythme dispersé ont montré que les syndicats n'ont pas la volonté d'entreprendre une lutte d'ensemble. Certains même pensent et disent que les syndicats font tout pour éviter un tel mouvement. Tout confirme cette méfiance.

Centralement et localement, la CFDT joue le jeu des négociations. FO centre sa propagande contre l'abrogation de l'ordonnance de 1982 qui définit le temps de travail ; cette abrogation est certes nécessaire au ministère pour faire entrer l'annualisation dans les textes réglementaires ; mais l'ordonnance n'a jamais empêché l'Assistance Publique de pratiquer tous les horaires et les roulements imaginables, ce que FO omet de rappeler.

La CGT et FO ont mis en avant la revendication d'une journée toutes les quinzaines, avec embauche correspondante. Mais c'est pour l'assortir aussitôt, et sur le même plan, d'un autre mot d'ordre : organisation locale de la réduction du temps de travail selon les souhaits et les besoins de chaque établissement, voire de chaque service.

Que peut rêver de mieux la direction générale ? Les syndicats, après avoir donné un coup de chapeau à l'idée que le personnel devrait mener une lutte générale, se déclarent prêts à débattre avec chaque directeur du visage local de la réduction du temps de travail.

L'Assistance Publique et le ministère doivent penser que le jeu qui leur a permis d'émietter le mouvement sur les salaires va être à nouveau gagnant.

Tout reste possible

Un premier rassemblement devant le ministère a été appelé par la CGT et FO mardi 15 mai. Il a été bien mal préparé : peu d'information, peu ou pas de passages dans les services, peu ou pas d'assemblées générales. Cela n'avait pas beaucoup de chances de représenter un avertissement sérieux pour le ministère et l'Assistance Publique.

Cependant, si ceux-ci ont pris tant de précautions et mis tant de temps à bâtir le cadre des négociations, c'est qu'ils sentent bien que le dossier pourrait se révéler explosif. Un coup de "curseur" mal placé pourrait réveiller toute la colère qui couve contre les conditions de travail, le manque permanent d'effectifs, et mettre tout le personnel d'accord.

On pourrait alors voir tout le monde se rassembler autour d'un objectif qui n'a peut-être pas encore été formulé, mais qui serait celui des travailleurs en lutte. Après tout, c'est le personnel qui va subir l'installation des 35 heures. Il pourrait reprendre confiance et dire : "Ces 35 heures, en voulons-nous, et de quelle manière ?"

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