Affaire Elf : Des révélations qui n'en sont pas25/05/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/05/une-1715.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Affaire Elf : Des révélations qui n'en sont pas

Mis en examen sous des motifs divers dans l'affaire Elf, son ancien PdG Loïk Le Floch-Prigent, a fait des "confessions" sur "les coulisses de ce scandale d'Etat". Il a déclaré dans Le Parisien comme dans Le Figaro que "De Gaulle et Mitterrand étaient au courant" du versement de commissions occultes, c'est-à-dire des pots-de-vin liés aux activités de "lobbying" du groupe pétrolier Elf. Nous voilà donc au courant... d'un véritable secret de polichinelle !

"Ce système mis en place par le premier président d'Elf, Pierre Guillaumat, - déclare Le Floch-Prigent - a reçu l'imprimatur de tous les présidents de la République successifs, depuis le général de Gaulle jusqu'à François Mitterrand, en passant par Georges Pompidou et Valéry Gisard d'Estaing. Concrètement, une fois par an, le président d'Elf se rend à l'Elysée avec un tableau à la main retraçant l'ensemble des commissions de l'année. Cela représente plusieurs centaines de millions de francs. Le tableau reçoit l'aval du secrétaire général de l'Elysée, puis celui du président de la République."

Quand on dit familièrement que les dirigeants politiques accèdent "aux affaires", cela signifie donc aussi cela. Depuis sa fondation, Elf fut impliqué dans tous les coups tordus de l'impérialisme français notamment dans son pré carré africain. Le groupe pétrolier défendait ses intérêts en pillant les richesses pétrolières, entre autres, du continent africain. En marge de ses activités dites "légales", des sommes colossales issues de la rente pétrolière furent détournées avec la bénédiction du pouvoir politique pour alimenter les "caisses noires" de la multinationale française. Au fil des ans, cet argent - on parle de centaines de millions de francs - lui a permis de corrompre et d'arroser tour à tour des hommes politiques français et étrangers, soudoyant tel ou tel dictateur, tout en faisant la pluie et le beau temps dans les Etats pétroliers d'Afrique, du Gabon à l'Angola en passant par le Congo-Brazzaville.

Etant l'un des principaux accusés du procès de Roland Dumas - où il risque cinq ans de prison -, Loïk Le Floch-Prigent justifie son action à la tête d'Elf. Il rappelle qu'il ne fut qu'un grand commis de l'Etat, un rouage fidèle au pouvoir politique en place ("Nous avons tous mis les mains dans le cambouis... dans l'intérêt national", déclare-t-il au Figaro). Selon lui, les pratiques de "lobbying" du groupe pétrolier étaient identiques à celles pratiquées par les autres groupes industriels et ne dérogeaient donc en aucune manière à la règle en vigueur dans le monde des affaires. On veut bien le croire.

Dans cet énième épisode de l'affaire Elf, et dans les tentatives de justifications de ce grand commis de l'Etat pris la main dans le sac, il y a quelque chose de profondément choquant. On peut y voir le reflet d'une société malade où les grandes entreprises peuvent ainsi débourser sans compter des dizaines, voire des centaines de millions de francs pour décrocher un contrat (tout en refusant à leurs salariés quelques francs d'augmentation), tandis que la vénalité des hommes politiques et des hommes d'affaires s'étale, elle, au grand jour sans le moindre complexe. C'est choquant pour le commun des mortels. Mais c'est somme toute dans les normes du fonctionnement de l'économie capitaliste, dont Le Floch-Prigent, de Gaulle, Mitterrand et quelques autres n'étaient rien d'autres, à des niveaux différents, que des commis.

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