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Dans le monde
Israël : Sharon vainqueur, la droite revient au gouvernement
Ariel Sharon, ce général réactionnaire, leader du Likoud, parti de la droite israélienne, et ancien responsable des massacres des camps palestiniens de Beyrouth, Sabra et Chatilah, a reçu la récompense de la provocation qu'il a organisée en septembre dernier en allant se montrer sur l'esplanade des Mosquées de Jérusalem. Il vient de remporter très nettement l'élection devant son concurrent, le travailliste Ehud Barak.
En contribuant par sa provocation à raviver l'Intifada, Sharon entendait faire jouer les réflexes de survie de l'opinion israélienne et s'en servir pour accélérer le retour de la droite aux affaires. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il a réussi. Mais quand un tel provocateur parvient à regrouper derrière lui une fraction importante de la population, c'est que celle-ci était déjà prête à l'accepter.
Car Sharon n'est pas un nouveau venu en politique. Outre la guerre du Liban, dont il fut un des maîtres d'oeuvre en 1982, il fut, dans un précédent gouvernement de droite, à la tête d'une sorte de ministère de l'aménagement du territoire, chargé d'entériner la politique d'occupation par des colons israéliens des terres occupées.
Vu l'absence de majorité à la Chambre des députés, Sharon va, à son tour, se trouver placé devant le choix entre un gouvernement d'union nationale avec les travaillistes ou une coalition avec les partis religieux qui, en lâchant en cours de route Barak, avaient contribué à placer ce dernier dans une situation politique intenable.
Reste à savoir pour quelle politique ? S'il reste égal à lui-même, Sharon, tout comme ses prédécesseurs à la tête de l'Etat israélien (qu'ils soient de droite ou travaillistes), ne fera aucune concession essentielle aux Palestiniens, tout en cherchant à rejeter sur eux la responsabilité de l'enlisement ou même de l'absence de pourparlers. Et, dans le même temps, des colons israéliens continueront, sous la protection de l'armée, à s'emparer des terres palestiniennes.
Les dirigeants israéliens, toutes tendances confondues, ont l'impression que le rapport de forces leur sera éternellement favorable et que les Palestiniens sont condamnés à vivre dans une sorte de dépendance d'Israël à l'image des bantoustans d'Afrique du Sud, où les tenants de l'Apartheid parquaient les Noirs, jusqu'au moment où ceux-ci se sont insurgés.
Les discussions israélo-palestiniennes sur le prétendu " processus de paix " n'ont fait que s'enliser, ne permettant pas à la population palestinienne d'obtenir gain de cause. Non pas que ses actuels dirigeants aient été trop exigeants, mais parce qu'aucun gouvernement israélien n'a voulu reconnaître le droit des Palestiniens à une existence nationale qui lui soit propre.
Cependant, si les dirigeants israéliens furent contraints de discuter avec l'OLP de Yasser Arafat, ce fut à cause de la première Intifada. Et si Barak a tout de même fini par accepter (en paroles, seulement) de rétrocéder environ 95 % de la Cisjordanie aux Palestiniens, ce fut à cause de la seconde Intifada. Sharon qui n'avait jamais auparavant envisagé la création d'un Etat palestinien (sauf en Jordanie) en serait même aujourd'hui à l'accepter sur 40 % du territoire de la Cisjordanie.
Certains, assez complaisants sans doute à son égard, présentent Sharon comme un possible Begin, cet homme de la droite israélienne qui fit la paix avec l'Egypte ; ou comme un possible de Gaulle, ce général réactionnaire dont la politique mit un terme à la guerre d'Algérie. Si c'est pour dire qu'un Sharon possède certainement le crédit nécessaire pour faire accepter à l'aile ultra des Israéliens les concessions qui pourraient aboutir à un règlement, c'est possible. Mais rien n'indique pour l'heure que ce soit là sa volonté ni même celle de la bourgeoisie israélienne qui, en dernier ressort, pèse bien plus.
C'est dire que l'avenir des Palestiniens dépend du rapport des forces qu'ils seront capables d'imposer...