Inde : La loi du profit tue autant que le tremblement de terre09/02/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/02/une-1700.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Inde : La loi du profit tue autant que le tremblement de terre

Une semaine après le séisme qui a dévasté l'Etat du Gujarat au nord-ouest de l'Inde, on parle désormais de 30 000, de 50 000 voire de 100 000 morts. Au-delà de la sordide polémique sur les chiffres qui se développe en Inde, non sans arrière-pensées politiciennes, il apparaît que la responsabilité des promoteurs immobiliers, la corruption généralisée des fonctionnaires de l'Etat, la lenteur et le chaos des secours ont considérablement aggravé ce tragique bilan.

La presse indienne et internationale met en cause les promoteurs de la région qui n'ont pas respecté les normes d'une loi fédérale de 1993.

Des promoteurs assoiffés de profits

Cette loi classe les régions de l'Inde selon les risques sismiques et elle détermine les critères à respecter en matière de construction. La région du récent sinistre était classée dans la zone 3 sur une échelle de 5. Or, la majorité des immeubles construits ces dernières années, dans cette ville, l'ont été hors normes. La ville a connu un véritable " boum immobilier " dans les années 1990. Des dizaines de milliers d'appartements ont été réalisés à la va-vite.

Afin de faire un maximum de profit en peu de temps, nombre d'affairistes se sont improvisés constructeurs et ont employé des architectes incompétents. Résultats : des malfaçons à foison, des édifices sans fondations collés les uns aux autres avec du ciment " sans aucune structure métallique pour le maintenir ", des immeubles de treize étages sans réelles fondations, avec pour certains des piscines sur le toit... Du coup, plus de 120 000 édifices se sont effondrés dès les premières secousses !

Une corruption généralisée

Les survivants accusent les autorités de la ville et de l'Etat d'avoir laissé faire ces promoteurs véreux qui ont utilisé abondamment des matériaux inadéquats. Recherchés, ces derniers sont en fuite. Plusieurs milliers de plaintes étaient déjà en cours à Ahmedabad avant le tremblement de terre. Le système de corruption qui lie les promoteurs aux politiciens est donc sur la sellette. Ce qui était réglementaire sur le papier ne l'était jamais dans la réalité.

Bureaux d'études, services d'urbanisme, architectes, ingénieurs, personne ne sort indemne d'une corruption qui gangrène tous les échelons des autorités locales et régionales, voire nationales. Il faut dire que le puissant lobby du bâtiment et des travaux publics en Inde (comme il l'est dans bien d'autres pays d'ailleurs, et la France ne fait pas exception) finance nombre de campagnes électorales des partis au pouvoir. Récemment le gouvernement de la région de Gujarat a régularisé toutes les modifications illégales (comme la hauteur des étages par exemple) sur les immeubles contre... une simple amende !

Des secours chaotiques

Depuis 1988, l'Inde a connu six tremblements de terre dans différentes régions. Autant dire que le sous-continent est particulièrement exposé et qu'il aurait fallu prendre des mesures préventives en conséquence.

En novembre 2000, des scientifiques indiens avaient prévenu les autorités sur " la fragilité sismique à Kutch ", région touchée de plein fouet par le séisme. Mais personne n'a accordé de crédit à leurs prévisions. Comme à l'accoutumée, le gouvernement a fait la sourde oreille. Aucun plan d'intervention d'urgence. Aucune équipe de premier secours prévue. Aucune équipe médicale en état d'alerte. Aucun stock de médicaments, de vivres ou de matériels. Quand le tremblement de terre a eu lieu, le gouvernement en a minimisé les dégâts. Le contraste est particulièrement révoltant entre la mobilisation de la population pauvre, sans moyens, dès les premiers instants de la catastrophe, et la carence gouvernementale. Quand il s'agit de faire la guerre au Cachemire, de briser les révoltes ouvrières, le gouvernement déploie une débauche de moyens. Quand il s'agit de financer la bombe atomique, l'argent coule toujours à flots. Mais pour sauver des vies humaines, il manque les moyens matériels, humains et financiers. A ce minimum s'ajoute l'aide au compte-gouttes des grandes puissances impérialistes qui préfèrent le tapage médiatique au réel déploiement des secours.

La lenteur des secours est également critiquée par les populations de la région. Ici, dans une grande ville, la mauvaise coordination des équipes de secours a tourné au chaos intégral, vivres et vêtements ont été laissés à l'abandon. Là, dans un petit village, quatre jours après le séisme, pas un seul secouriste en vue. Plus loin, dans un autre village, faute de tentes les gens dorment à même la rue dans les décombres. Ailleurs, l'absence de matériel de déblaiement n'a pas permis de sauver de vies humaines. Des situations qui multipliées à l'infini ont eu des conséquences dramatiques pour les habitants du Gujarat.

Les épidémies et la malnutrition guettent les quelque 60 000 blessés et les centaines de milliers de sans-abri. Les populations sinistrées payent le prix fort de l'imprévoyance, de l'impréparation et de l'incurie gouvernementales.

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