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- Lutte ouvrière n°1700
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Tribune de la minorité
Après le 25 janvier : Front uni des syndicats... autour d'une table ronde
Le 25 janvier, 300 000 travailleurs manifestaient dans toute la France, pour défendre les retraites contre le Medef. Le 30, c'était au tour de 100 000 à 120 000 fonctionnaires de montrer leur colère, cette fois contre le gouvernement, qui prétend bloquer leurs salaires en leur accordant une généreuse augmentation de 0,5 % pour cette année.
Le gouvernement et le Medef n'ont pas pour autant rabattu de leur superbe. Le ministre de la Fonction publique Sapin ne lâche pas la moindre miette. Seillière, dimanche dernier, a encore répété sa " solution " au soi-disant problème des retraites : " la prolongation de la durée de cotisation et une pincée de capitalisation ", soit 45 ans de cotisation pour tous et des fonds de pension, du moins pour ceux qui ont encore les moyens de laisser les capitalistes jouer leur retraite à la bourse. Grand seigneur, il a tout juste consenti à faire quelques exercices d'assouplissement en offrant quelques cadeaux qu'il avait depuis longtemps dans sa réserve, comme la " retraite à la carte ", que défend surtout la CFDT, c'est-à-dire le droit de partir avant 60 ans pour ceux qui auraient déjà fait leur plein de cotisations. Une grosse ficelle démagogique et un clin d'oeil en direction des salariés qui ont commencé à travailler très jeunes, généralement dans les emplois les plus durs, mais qui vise surtout à diviser les travailleurs.
En tout cas, le Medef a au moins le mérite d'annoncer la couleur. On ne peut pas en dire autant des confédérations syndicales.
Un mur... avec des failles
Oh, bien sûr, elles ont mobilisé le 25, et elles ont constitué un front syndical, assez inédit, pour défendre le droit à la retraite à 60 ans. Encore que sur le fond, le mur qu'elles prétendent opposer aux projets du patronat laisse voir quelques failles ! La CFDT se distingue en disant qu'à son avis " une réforme globale est nécessaire, pour tous les régimes " (voilà le patronat presque débordé sur sa droite !), alors que Nicole Notat, pour sa part, a expliqué dans une interview qu'elle était prête au dialogue sur tous les points du dossier des retraites, " y compris la durée de cotisation ", pourvu que soit garanti le niveau des pensions versées. La CGT se donne l'air plus radical, mais Bernard Thibault a reconnu l'existence d'un problème des retraites, tout en affirmant que la durée de cotisation n'est pas " la seule variable " à prendre en compte...
Surtout, les centrales syndicales limitent, consciemment, le rapport de force des travailleurs contre le patronat et le gouvernement.
Dès avant le 25, les organisations syndicales de fonctionnaires ont contribué à limiter la mobilisation. Elles avaient appelé les fonctionnaires à lutter pour les salaires le 18, et cette journée avait été un relatif succès. Nombre de salariés du public pouvaient s'attendre à transformer l'essai, en manifestant une seconde fois le 25, au coude à coude avec le privé, pour les retraites et les salaires. La CFDT et l'UNSA y ont mis leur veto, sous le prétexte fallacieux qu'il ne faudrait pas mélanger les revendications, les retraites et les salaires, ni les adversaires, le gouvernement et les patrons. FO et la FSU, qui avaient dit souhaiter la convergence des luttes, se sont bien gardées de passer outre à ce veto. Sous prétexte de " l'unité syndicale " à préserver à tout prix elles ont appelé à manifester le 25 mais à faire du 30 la vraie journée de grève dans la fonction publique. C'est-à-dire qu'elles ont préféré l'unité des directions syndicales pour saucissonner les mouvements, limiter le rapport de force dans la rue, et ne pas gêner le gouvernement, à l'unité des travailleurs qui aspiraient à se défendre le plus efficacement possible, tous ensemble dans la rue !
Maintenant que le 25 et le 30 ont tout de même été des succès, la comédie continue. La RATP et d'autres transports urbain étaient en grève le 1er février, les hôpitaux le sont le 6 février, mais aucune suite n'est encore annoncée au 25. Les directions syndicales n'ont eu qu'une hâte : répondre à l'appel du Medef à reprendre les négociations le 9 février. Les cinq centrales se sont entendues non sur de nouvelles étapes de mobilisation, mais sur leur attitude autour du tapis vert. Comme le résume un responsable de la CFTC, " ne pas répondre au diktat par le diktat ". Le négociateur de FO s'est fait presque menaçant : " Quoique fasse le Medef, nous resterons assis dans la salle " !
Battre le fer tant qu'il est chaud
Les confédérations proposent au patronat une sorte de trêve : ne rien décider avant 2003. C'est-à-dire avant les élections que la gauche plurielle compte bien gagner !
Pourtant, c'est bien aujourd'hui qu'il faudrait battre le fer tant qu'il est chaud, pour que le voleur rende gorge ! Le mouvement ouvrier a sa propre solution pour financer les retraites : augmenter les salaires et imposer des embauches massives. Et il pourrait avoir sa méthode : la lutte, tous ensemble, dans le public comme dans le privé.
Ce serait la suite à donner aux mobilisations de ces dernières semaines, avec ou sans l'aval de certaines directions syndicales.