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Leur société
Le Sommet européen de Nice, ça sert à quoi ?
Le Sommet européen de Nice, du 7 au 9 décembre, doit clore l'épisode de six mois de présidence française de l'Union européenne. Quel est le bilan de ces six mois ? Prudents, des commentateurs avertis, qui sont dans la place, ont eux-mêmes déclaré qu'il était beaucoup trop tôt pour le dire et qu'il fallait un recul de quelques mois pour y voir plus clair ! Si ce n'est pas là une façon d'avouer que cette présidence comme les précédentes n'a rien de très concret à mettre à son actif, qu'est-ce que c'est ?
Pour l'heure, les institutions européennes ont surtout fait largement parler d'elles à cause du lancement laborieux et loin d'être réussi - c'est le moins qu'on puisse dire - de la monnaie unique entre onze des quinze pays de l'Union. Pour le reste, présidence française ou pas (puisque les présidences tournent tous les six mois), les réalisations sont encore moins tangibles.
A l'occasion de quelques événements, ou plutôt de catastrophes, l'opinion publique a pu se rendre compte du peu d'efficacité des institutions européennes. Après le naufrage de l'Erika, des déclarations d'intention vigoureuses avaient été énoncées en matière de sécurité maritime. On a pu juger de leur poids avec l'affaire du chimiquier Ievoli-Sun, moins d'un an plus tard. On a vu également les hésitations et tergiversations des autorités européennes dans la crise de la vache folle. Elles ont été réduites à multiplier les chaudes recommandations aux différents pays concernés et à annoncer la création future d'un organisme alimentaire qui aura, paraît-il, indépendance et autorité pour réglementer... ce qui reste à prouver. En matière d'élargissement de la Communauté européenne aux pays qui le demandent depuis des années, aucun nouveau véritable pas n'a été fait au cours de ces six mois, les Etats membres n'étant pas d'accord entre eux sur qui, quand et surtout comment élargir. En revanche, il paraît qu'en matière de défense européenne et de création d'une «force européenne de réaction rapide», les choses auraient progressé, nous dit-on, sans qu'il s'agisse-là d'une nouvelle particulièrement rassurante pour les peuples d'Europe. Quant à la Charte des droits fondamentaux des citoyens de l'Union européenne, dont la promulgation à Nice a été annoncée, son contenu est insignifiant.
On le voit, l'Union européenne et toutes les grosses machines des institutions qu'elle a générées apparaissent d'une utilité plus que douteuse pour les classes laborieuses des pays concernés. Elles relèvent plus de l'apparat, comme nombre de ces sommets qui réunissent régulièrement les représentants des grandes puissances. Sauf que de telles réunions peuvent aussi fournir le cadre à d'âpres marchandages qui concernent bien plus les intérêts des grandes entreprises de chacune des puissances européennes que les besoins des populations.
Les gouvernants européens rassemblés vont disserter sur la situation, prendre peut-être quelques décisions symboliques et surtout faire des discours à destination de leurs opinions publiques, qui n'engagent pas à grand-chose mais peuvent faire gagner quelques points de popularité. Chirac pour sa part, que tout le monde pense dans l'embarras à cause des affaires en cours et qui le concernent plus ou moins directement, n'a pas attendu ce Sommet pour aller serrer les mains de différents chefs d'Etat européens... Jospin et compagnie évoqueront probablement cet «agenda social» qui doit définir les actions à entreprendre au cours des prochaines années pour lutter contre le chômage, la pauvreté et les exclusions, ... sans plus d'effet que les précédentes déclarations d'intention.
A l'occasion de ce Sommet européen, différentes associations, partis de gauche et syndicats de différents pays organisent à Nice, au même moment, toute une série de colloques, de rassemblements, de meetings, de débats et de spectacles «alternatifs», en forme de «contre-sommet». Une manifestation a eu lieu le mercredi 6 décembre à Nice, à l'appel de nombreuses organisations, dont des organisations syndicales. Les objectifs que se fixent les différentes organisations à l'initiative de cet appel, ou qui s'y sont associées, ne sont pas toujours les mêmes : ils sont même parfois contradictoires. Néanmoins, si cette manifestation, qui a rassemblé des dizaines de milliers de personnes, permet aux revendications des travailleurs et des chômeurs de tous les pays d'Europe, qui s'opposent aux politiques antiouvrières et antisociales des gouvernants, de se faire entendre de tous les politiciens présents au Sommet, c'est bien ce qui aura été le plus utile, ce jour-là.