General Motors Strasbourg : Pour 500 francs d’augmentation, trois jours de grève08/12/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/12/une-1691.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

General Motors Strasbourg : Pour 500 francs d’augmentation, trois jours de grève

A General Motors Strasbourg, deux mouvements de grève ont tour à tour touché le site. D'abord à Delphi où 500 salariés fabriquent des pompes pour directions assistées, puis à Powertrain où les 1600 ouvriers des ateliers produisent des boîtes de vitesse.

A Delphi, 80% des travailleurs s'étaient mis en grève à l'appel des syndicats CGT, CFDT et CFTC, à la suite d'un mécontentement sur les conditions de travail et surtout sur les salaires. Après deux jours de grève, vendredi 17 et lundi 20 novembre, la direction de Delphi a cédé et a lâché 3% d'augmentation générale pour les salariés qui ont moins de trois ans d'ancienneté, et 6% pour ceux qui sont à l'usine depuis plus longtemps.

Jeudi 23 novembre, c'est à Powertrain que la direction a convoqué les syndicats CGT et CFDT à une réunion de négociations salariales pour 2001. La direction n'ayant rien lâché de plus, après trois heures de discussion, que 2% d'augmentation générale, 1,5% au mérite, une prime de présentéisme semestrielle équivalant à 150 francs par mois et une prise en charge de 100 F de la mutuelle, la négociation a été interrompue. Mais au cours de l'après-midi, la CFDT est retournée discuter seule avec la direction sans que la CGT en soit informée. En fin de soirée, la CFDT a alors accepté de signer l'accord salarial avec juste 1% de plus pour les salaires inférieurs à 8500 F brut et une prime mensuelle de présentéisme de 200F au lieu de 150 F.

Lorsque le secrétaire de la CFDT est venu, après 22 heures, dans les ateliers annoncer que la CFDT avait signé, la plupart des ouvriers de l'équipe de nuit se sont mis en colère de ne pas avoir été consultés par la CFDT avant la signature. Cela d'autant plus qu'ils ne voulaient pas d'augmentation en pourcentage, et surtout pas au mérite, ni de prime de présentéisme. Suivant alors un groupe de travailleurs déterminés, 80% de l'équipe de nuit s'est mise en grève avec le soutien de deux délégués CGT, et a voté pour une augmentation de 500 F net pour tous.

Le lendemain, les grévistes de la nuit ont accueilli les ouvriers du matin qui se mirent alors en grève à près de 250 sur 400. L'après-midi, un peu plus d'une centaine ont suivi le mouvement. Par contre dans l'équipe de nuit, environ 80 sur les 100 ouvriers présents se remirent en grève et près d'une quinzaine s'engagèrent à venir le lundi matin à partir de 5 heures se joindre aux délégués de la CGT, décidant d'appeler l'ensemble des travailleurs à la grève par tract.

Le lundi matin 27 novembre, nous n'avons pas réussi à entraîner plus de camarades dans la grève, mais nous étions de nouveau une centaine à avoir le moral, et déterminés à rester mobilisés jusqu'à l'arrivée de l'équipe d'après-midi. Nous avions tous à coeur de gagner nos camarades qui n'ont pas suivi, pour certains parce qu'ils avaient subi la pression des chefs, comme ceux à qui on a promis l'embauche de leur fils en CDI, ou des changements de poste et de coefficient s'ils ne se mettaient pas en grève, et pour d'autres parce qu'ils se retranchaient derrière le fait que la grève n'était pas soutenue par les deux syndicats. Pour cela nous sommes allés plusieurs fois dans les ateliers pour discuter individuellement ou en petits groupes avec nos camarades qui étaient à leur poste de travail.

Pour empêcher que le mouvement se renforce, la direction a mobilisé à fond l'encadrement qui nous suivait partout dans les ateliers. Et les chefs s'adressaient à nous pour nous convaincre de reprendre le travail. Le PDG lui-même est descendu dans les ateliers pour serrer la main des non-grévistes. Voyant cela, nous lui avons fait un petit brin de conduite et l'avons suivi jusqu'à son bureau au deuxième étage où il s'est mis à crier que c'était interdit de venir jusque-là. Cela n'a fait que redoubler nos slogans pour les 500F d'augmentation.

L'après-midi nous étions encore 120 mais bien moins que le vendredi quand cette même équipe était du matin. Et mardi matin nous nous sommes retrouvés à une cinquantaine déterminés à continuer au moins jusqu'à l'arrivée de ceux d'après-midi. La direction a alors convoqué les délégués de la CGT. Mais, comme pour les deux autres réunions de vendredi, des ouvriers grévistes (cinq) ont accompagné les délégués et ont pu entendre les propos de la DRH, qui sur un ton méprisant, faisait semblant de croire que nous n'avions pas compris les termes de l'accord. Mais cette fois-ci ceux qui l'avaient entendue dire que la prime d'absentéisme sauterait pour la moindre absence ou retard, proposèrent de le répercuter par tract aux camarades au travail dans les ateliers. Ainsi fut fait et, quand le tract fut distribué, beaucoup de camarades s'arrêtèrent de travailler pour discuter de ces conditions qu'ils ne connaissaient pas. Alors, dans les dix minutes qui ont suivi, on vit les chefs, les gardiens, venir à leur tour distribuer un «tract» du patron démentant ce que la direction appelait les «mensonges de la CGT». Mais nous avons pris sa vive réaction pour ce qu'elle était : un engagement de sa part que cette prime ne serait pas retirée sous le moindre prétexte !

L'effervescence causée par notre tract s'est alors apaisée et le travail a repris dans les ateliers. Nous sommes donc restés une cinquantaine et quand l'équipe d'après-midi est arrivée, accueillie à la porte par une noria de chefs leur distribuant la note de la direction sous les quolibets ironiques des grévistes et de nombreux autres travailleurs, la très grande majorité de l'équipe a pris le travail et nous avons finalement décidé d'arrêter le mouvement.

Nous n'avons pas obtenu les 500F d'augmentation. Mais nous sommes contents d'avoir fait peur au patron, à quelque 400 grévistes que nous avons été pendant ces trois jours, et d'avoir obligé la direction à s'engager publiquement à ne pas toucher à la prime de présentéisme pour n'importe quelle peccadille, même si nous ne voulions pas de cette prime.

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