Elections : Inversons le rapport de force08/12/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/12/une-1691.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Elections : Inversons le rapport de force

Faisant suite à la piteuse opération du référendum sur le quinquennat, initiée par Chirac, Jospin, pour ne pas être en reste, a lancé le débat sur l'inversion du calendrier électoral. Celui-ci prévoyant que les élections législatives de 2002 devaient précéder l'élection présidentielle, le PS presse désormais le pas pour faire passer une loi qui inverserait ces deux épisodes.

Il va sûrement entraîner dans cette démarche un certain nombre de représentants de la droite, entre autres le centriste François Bayrou, ce qui lui permettra, du moins l'espère-t-il, de compenser la défection possible de ses partenaires de la gauche plurielle. Le PCF, les Verts et le MDC se sont en effet prononcés dans un premier temps - cela peut changer, on en a vu d'autres - contre cette inversion.

Chacun justifie son choix en se défendant d'être motivé par de basses raisons circonstancielles, et jure ses grands dieux qu'il se positionne en fonction de grands et nobles principes. Pour les partisans du changement de calendrier, il s'agirait de revenir à un ordre plus logique, en hiérarchisant les scrutins, de façon à commencer par le plus important, l'élection présidentielle. C'est du coup ce qui est au coeur de l'argumentaire des adversaires de ce changement, qui s'inquiètent, disent- ils, des risques de «présidentialisation» accrue créés par une inversion, qui marginaliserait encore plus le Parlement, par rapport aux prérogatives et surtout au pouvoir du président de la République. Sauf que ce n'est pas le caractère des institutions, et encore moins l'ordre dans lequel se font les élections, qui confère aux institutions leur caractère plus ou moins présidentiel, mais d'autres facteurs bien plus importants, telles la situation politique mais aussi la stature de celui qui siégera à l'Elysée.

En fait ce débat en masque un autre, plus terre-à-terre : celui sur la formule qui offre le plus de chances d'arriver gagnant à l'Elysée, pour ensuite gagner la deuxième étape, en essayant de mettre à profit l'élan que confère une première victoire, pour obtenir une majorité aux élections législatives qui suivront. De ce point de vue, Jospin et Chirac peuvent faire le même calcul. Et si Chirac, pour le moment, s'est rangé dans le camp des opposants, c'est sans doute pour marquer sa différence avec son rival. A bon compte d'ailleurs puisque la proposition d'inversion à de bonnes chances d'être adoptée.

Quant à ceux, parmi les partenaires de Jospin, qui s'opposent à son choix, leur calcul n'est pas moins politicien. Ils trouvent eux aussi tout d'abord un moyen sans conséquence de marquer leur différence avec Jospin. Hue d'ailleurs n'a pas été chiche d'effets oratoires sur cette question lors de son meeting parisien du Gymnase Japy. Les Verts y voient une occasion de marchandage, sur la base d'un minable chantage : «nos votes, contre des élus» - sauf que comme la droite peut fournir l'appoint de votes... !

En fait l'inversion des scrutins n'est pas forcément sans conséquence pour les partis vassaux du PS. Ils savent qu'ils seront en moins bonne situation pour négocier des sièges avec ce dernier aux élections législatives de 2002, si Jospin vient alors de gagner l'élection présidentielle. Car du coup il devient encore moins tributaire de ses partenaires - ceux d'aujourd'hui, car on ne connaît pas ceux qu'il aurait dans deux ans - que si l'élection reste à venir.

Ce sont là de bien petits calculs car, de toute façon, Jospin et le PS seront les maîtres du jeu. En dernier ressort, ce seront eux qui distribueront les rôles et les postes à conquérir. Cela ne peut se faire que sur la base de la politique des socialistes, tout comme cela se fait depuis 1997. Car si le PS est devenu de plus en plus hégémonique à l'égard de ses partenaires, qui s'en plaignent, c'est grâce à la soumission de ces derniers. Pourquoi Jospin ne se permettrait-il pas un souverain mépris à leur égard, comme il le montre une fois encore, dans son choix d'inverser les scrutins ?

On aura bien du mal à discerner, dans ces débats, ce qui relève d'une politique et encore moins d'une politique qui prenne en compte les intérêts des travailleurs et ceux de la population laborieuse. Car pour cela il faudrait bien autre chose que les élections, il faudrait oeuvrer à inverser le rapport de force entre le monde du travail, ses exploiteurs et leurs complices.

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