Maroc : Un an après la mort d'Hassan II, un changement... surtout dans le discours04/08/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/08/une-1673.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Maroc : Un an après la mort d'Hassan II, un changement... surtout dans le discours

Cela fait un an qu'au Maroc Mohammed VI a succédé à son père Hassan II. A l'occasion de la fête du trône, qui s'est tenue le 30 juillet à Rabat, il s'est à nouveau employé à donner l'image d'un monarque " éclairé ", " moderne ", résolu à rompre avec le mode de gouvernement dictatorial et sanglant de son père qui avait fait régner la terreur pendant trente-huit ans.

Parmi les dignitaires du régime, il a gardé Youssoufi, le Premier ministre prétendument socialiste. Son geste le plus retentissant fut le renvoi, en novembre 1999, du maître des basses oeuvres de la période antérieure, le ministre de l'Intérieur Driss Basri.

Moins d'un mois après la mort de son père, Mohammed VI avait évoqué dans un discours les " disparus " et les " victimes d'arrestations arbitraires ". Des autorisations à revenir au Maroc furent accordées à quelques personnalités connues, comme la famille de Ben Barka, dirigeant nationaliste enlevé et assassiné à Paris en 1965, ou Abraham Serfaty, arrêté en 1974, torturé pendant quinze mois, emprisonné dix-sept ans et banni de son pays depuis 1991. Le 30 juillet dernier, le roi a gracié 899 prisonniers, dont quatre condamnés à mort.

Au-delà de ces gestes qui ont été largement salués en France, il y eut seulement la création d'une commission d'indemnisation devant laquelle 5 000 dossiers ont été déposés. Il n'est pas question de s'attaquer aux responsables des sévices et aux tortionnaires qui, pour l'essentiel, exercent toujours des fonctions officielles. " Ce qui honore l'homme est le fait de s'élever au-dessus de toute forme de vengeance ", s'est justifié le roi. Et son Premier ministre n'a pas manqué de lui emboîter le pas en proposant d'organiser un " thé d'honneur " pour le ministre de l'Intérieur destitué. Seuls les gouverneurs sur lesquels s'appuyait Basri à l'échelon régional ont été largement remplacés.

Même si cela n'est pas négligeable pour la population pauvre en butte à l'arbitraire et au véritable racket exercés par une multitude de petits fonctionnaires corrompus, c'est loin de permettre une amélioration significative de la vie des petites gens. Celle-ci ne pourrait être envisagée sans s'en prendre à la puissance des grands propriétaires fonciers et des industriels. Mais cela n'entre visiblement pas dans les projets du nouveau roi.

En fait, l'activité de Mohammed VI se résume essentiellement à la nomination de commissions royales sur de multiples sujets dont, bien sûr, les plus brûlants, par exemple le Sahara, les droits de la personne, l'enseignement, la pauvreté, les problèmes sociaux, en laissant assumer par le Premier ministre l'accusation d'être " en deçà de nos espérances ", comme il l'a déclaré. Le tout en s'appuyant très ouvertement sur la hiérarchie religieuse.

Il est certain que, vu la situation dramatique qu'endurent les masses pauvres du Maroc depuis des décennies, elles ne se contenteront pas indéfiniment d'expédients et de faux-semblants. Les " espérances " ne peuvent suffire à faire oublier le chômage massif qui touche un quart de la population et la misère noire des campagnes, aggravée encore par une sécheresse persistante depuis plusieurs années, qui a conduit des centaines de milliers de paysans à venir chercher refuge dans les grandes villes aux bidonvilles déjà surpeuplés.

C'est justement cette bombe sociale que Mohammed VI s'emploie à désamorcer pour que les affaires de l'impérialisme, français notamment, qui n'a pas manqué de l'introniser à sa façon lors du défilé du 14 juillet de l'année dernière, puissent continuer à prospérer sur cet océan de souffrances.

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