Guadeloupe : Un capitaliste pollueur et un préfet complaisant reculent face à la mobilisation populaire04/08/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/08/une-1673.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Guadeloupe : Un capitaliste pollueur et un préfet complaisant reculent face à la mobilisation populaire

La Guadeloupe a vécu un mois de juillet agité, malgré l'ambiance de vacances. Une affaire de pollution a occasionné plusieurs manifestations et barrages routiers. Nous publions ci-dessous la correspondance que nous ont adressée nos camarades du groupe Combat Ouvrier, qui ont participé à ce mouvement.

Il y a déjà bien longtemps que la distillerie Bonne-Mère, située dans le hameau de La Boucan dans la commune de Sainte-Rose, pollue la Grande Rivière à Goyaves qui traverse la région.

Mais ces derniers mois, devant l'ampleur de cette pollution, les habitants du hameau ont décidé de s'organiser et de protester pour y mettre définitivement un terme. En effet, la puanteur de la rivière, la prolifération de moustiques, la destruction de la faune et de la flore environnantes, notamment la mort de milliers de poissons, l'apparition de maladies dues à la pollution rendaient la vie intenable. Les habitants ont donc constitué un " collectif des riverains de la Grande Rivière à Goyaves ". Leur revendication était simple : l'arrêt de la pollution due au déversement de vinasse, un des résidus de la distillation de la mélasse (elle-même étant un résidu de la fabrication du sucre). A de nombreuses reprises ils ont manifesté et barré le pont franchissant la rivière sur la route nationale et ont perturbé la circulation. Au mois de juin, excédés par les atermoiements et le mépris du préfet et du capitaliste pollueur à leur égard, ils ont barré le pont plusieurs jours de suite, s'affrontant aux gendarmes. Ces derniers ont arrosé de grenades lacrymogènes tout le hameau selon un scénario bien rôdé par eux depuis plusieurs mois. En face d'eux, les jeunes en particulier ripostaient à coup de pierres et reformaient des barricades à chaque fois qu'ils pouvaient. L'affaire a donc vite dépassé le cadre du petit hameau et a fait la une de l'actualité jusqu'à cette dernière semaine.

D'autant que " le collectif des riverains " avait lancé un appel à plusieurs organisations politiques et syndicales qui ont décidé avec lui d'organiser une série d'actions d'information et de protestations dans toute l'île. Le comité de soutien aux riverains qui s'est constitué comprend diverses organisations de la mouvance nationaliste : l'UPLG (Union Populaire pour la Libération de la Guadeloupe), le syndicat UGTG, le KGV (Comité guadeloupéen " veillatif "), Le KLNG, le Mouvement Guadeloupéen, ainsi que le Parti Communiste guadeloupéen et nos camarades du groupe trotskyste Combat Ouvrier.

Plusieurs réunions unitaires eurent lieu à La Boucan avec la population ainsi qu'un premier meeting qui rassembla plusieurs centaines de personnes. Un deuxième meeting rassembla 300 personnes à la salle des fêtes du Lamentin le jeudi 20 juillet. Deux tracts signés par l'ensemble des organisations furent distribués dont le deuxième à 20 000 exemplaires lors de caravanes organisées dans toute la Guadeloupe le samedi 22 juillet. Au cours de ces caravanes, les militants des différentes organisations s'arrêtaient dans les communes, sur les places et les marchés pour expliquer l'action, dénoncer la pollution.

Entre temps, le conseil municipal de la commune de Sainte-Rose avait voté une délibération réclamant la fermeture de l'usine jusqu'à sa mise aux normes et celui du Lamentin, commune limitrophe, une motion de soutien aux riverains de La Boucan - toutes dispositions étant prises pour que la trentaine de travailleurs de l'usine soit payée.

Le collectif des riverains et le comité de soutien rencontraient le préfet le lundi 24 juillet. Ils exigeaient que des mesures immédiates soient prises pour faire cesser la pollution. La réponse du préfet parvenue le lendemain fut rejetée par les riverains et le comité de soutien. Le représentant de l'Etat français remettait à 2001 la mise en place d'un système permettant une dépollution complète.

Le mercredi 25 juillet, les organisations soutenues notamment par les jeunes de La Boucan en colère manifestaient en plusieurs points de l'île. Plusieurs axes routiers étaient bloqués. Un nouveau tract d'explication était distribué à la population qui, dans son ensemble, soutenait les actions entreprises malgré les perturbations sur les routes. Le même jour à 10 heures, le préfet reçut à nouveau les riverains et les organisations en présence du capitaliste pollueur et accepta de satisfaire les principales revendications. Un protocole d'accord fut signé entre lui, les riverains et les organisations du comité de soutien.

Vers 13 h 30, les représentants des organisations ainsi que les militants et autres manifestants se retrouvaient sur le pont de La Boucan pour rendre compte à la population des résultats de la négociation. Les riverains, après approbation, ont toutefois insisté sur la vigilance et la mise sous surveillance de l'usine car, disaient-ils, le capitaliste pollueur pouvait sous une forme ou sous une autre ne pas respecter l'accord.

Mais tous ont ressenti l'accord signé avec le préfet comme une première victoire et la fierté d'avoir obtenu gain de cause par la mobilisation pouvait se lire sur les visages.

Le vendredi 28 un meeting de bilan eut lieu avec la population de La Boucan où un représentant de chaque organisation prit la parole.

Un comité de vigilance sera mis en place pour vérifier le respect des dispositions du protocole d'accord signé avec le préfet. Mais la population de La Boucan et les jeunes ont mis l'usine sous surveillance et se chargent déjà chaque jour de vérifier la qualité de l'eau de la rivière. Tous se disent prêts à se mobiliser à nouveau si nécessaire.

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