Épargne salariale : Fabius veut surtout épargner... les patrons04/08/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/08/une-1673.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Épargne salariale : Fabius veut surtout épargner... les patrons

Fabius revient donc à la charge sur un projet dont ses confrères du gouvernement et ses prédécesseurs au ministère des Finances avaient déjà abondamment parlé : la réforme de l'épargne salariale.

Avant de mettre la clé sous le paillasson pour le temps des vacances, le Conseil des ministres a examiné la nouvelle mouture de ce que le quotidien économique et surtout pro-patronal Les Echos appelle pudiquement une " vision plus libérale du salariat et du partage capital-travail " et qui n'est, en fait, qu'un nouveau mécanisme de retraite par capitalisation, via une version " gauche plurielle " des fonds de pension.

En effet, tel qu'il a été présenté mardi 1er août, le projet Fabius prévoit la création d'un " Plan partenarial d'épargne salariale volontaire ", ou PPESV, après signature d'un accord entre patron et syndicats dans chaque entreprise (ou groupe d'entreprises, pour les plus petites) concernée. On le voit, il n'est même pas impossible que l'assentiment de chaque salarié soit considéré comme superflu pour souscrire un tel plan. Pas plus qu'il ne serait nécessaire de disposer de salaire à épargner, d'ailleurs...

Le plan en question aurait une durée de dix ans, obligatoire sauf exceptions négociées entreprise par entreprise. Au bout de ce temps-là, l'épargne pourrait être récupérée sous forme de capital ou de rente, toujours selon des modalités négociées. Elle pourrait être utilisée comme petit complément de retraite mais pas seulement, laisse entendre le projet, les commentateurs évoquant son utilisation pour un placement immobilier ou une création d'entreprise, toutes activités éminemment familières, comme on le sait, à des salariés soucieux de partir en retraite sans avoir à rogner considérablement sur leur niveau de vie... Le salaire différé et versé sur ce PPESV serait exonéré d'impôt sur le revenu mais pas de la CSG ni de la CRDS, soit quand même un prélèvement fiscal de 10 %. Quant au taux de rémunération de l'épargne en question, il n'a pour l'instant pas été évoqué...

Côté patronat, l'intérêt de l'opération est plus évident, en exonérant les patrons par exemple de charges sociales sur la partie des salaires versée sur les Plans, soit une diminution importante des cotisations patronales aux caisses de retraite. Et puis, de ces fonds qui iraient s'accumuler sur les plans en question, qui disposerait de la gestion ? Qui en aurait le contrôle ? Comment seraient-ils utilisés ? Quelles garanties pourraient avoir les salariés que les sommes ne seraient pas englouties dans une spéculation boursière hasardeuse avant qu'ils puissent récupérer un sou ? Et que se passerait-il en cas de fermeture de l'entreprise, de licenciement, de passage du salarié d'une entreprise à une autre ? Il est annoncé que les patrons devront abonder ces plans à parité des travailleurs. Mais qui les y contraindra ? Un Fabius ? Allons donc !

On le voit, les travailleurs qui espèreraient à travers cette prétendue " épargne salariale " se constituer à terme un petit pécule, un complément de retraite non négligeable, risqueraient au mieux de laisser détourner pendant dix ans une partie de ce qui leur est dû, au pire de perdre beaucoup et dans tous les cas, de se faire bien des illusions.

Le projet Fabius ne vaut pas mieux que ceux échafaudés avant lui et relève des mêmes préoccupations : non pas offrir une meilleure retraite aux travailleurs mais amorcer un mécanisme qui permettra à des financiers, avec l'argent destiné aux retraites des salariés, d'obtenir des liquidités afin de spéculer et de faire des profits. Cela se fait dans d'autres pays comme l'Angleterre ou les Etats-Unis, sous cette forme ou sous une autre approchante, et on peut constater que les travailleurs n'y ont rien gagné... quand ils n'ont pas considérablement perdu. Les capitalistes, les financiers et les spéculateurs de tout poil, eux, ont toujours été gagnants.

Il est inadmissible de transformer ainsi les retraites des travailleurs en un enjeu spéculatif. Non seulement les patrons versent de moins en moins en salaires (par la multiplication des emplois précaires et partiels, en particulier) et en cotisations sociales correspondantes, dont celles pour la retraite, non seulement ils bénéficient de multiples exonérations de charges sociales, mais de surcroît il faudrait leur permettre de détourner une partie des salaires déjà insuffisants vers une prétendue " épargne salariale " ! Le moment est au contraire venu d'imposer des augmentations de salaires importantes pour améliorer le niveau de vie actuel de l'ensemble de la classe ouvrière et garantir celui dont elle pourra bénéficier une fois à la retraite. Et d'évidence, ce n'est pas sur le gouvernement de la gauche plurielle, sur Fabius et consorts, qu'elle peut compter pour y parvenir.

Partager