Renault : Nouvel accord sur le droit syndical14/07/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/07/une-1670.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Renault : Nouvel accord sur le droit syndical

La direction du groupe Renault vient de signer un accord sur le droit syndical dans l'entreprise avec toutes les organisations syndicales, sauf la CGT qui a réservé sa réponse jusqu'à la mi-septembre.

Le texte de ce qui s'appelle désormais l'" accord sur la représentativité du personnel et la concertation sociale chez Renault " augmente les moyens mis à la disposition des organisations syndicales au niveau central au détriment des heures de délégation accordées aux délégués du personnel, c'est-à-dire des représentants les plus nombreux et généralement les moins éloignés des préoccupations des travailleurs. Ces délégués, depuis 1969, bénéficiaient de 25 heures de délégation, qu'ils soient titulaires ou suppléants, au lieu des 15 heures pour les seuls titulaires comme la loi le prévoit. Le nouvel accord octroie 15 heures aux titulaires comme aux suppléants.

Les intentions de la direction de Renault sont claires : " Ce que nous souhaitons c'est définir des règles du jeu commun pour un cadre rénové de la pratique des relations sociales chez Renault dans un contexte général où l'individualisation a pris plus de place et où l'attraction auprès du personnel pour s'investir dans la représentation syndicale s'est affaiblie ".

La direction prend acte de l'affaiblissement des syndicats. Mais elle voit là l'occasion de les rendre encore plus dépendants, plus dociles. Aussi peut-on dire, avec ce nouvel accord, qu'il s'agit en gros d'une redistribution de la même enveloppe mais en privilégiant les interlocuteurs les plus responsables à ses yeux.

Ce qu'elle lamine le plus dans son nouvel accord, ce sont d'abord les heures d'information syndicale. Jusqu'à présent Renault accordait trois heures d'information syndicale par an et par travailleur. Elle prend prétexte de la privatisation - dans le privé ces heures n'existent pas - pour supprimer complètement cette disposition.

Quant aux délégués du personnel, ils ont pour principal défaut, aux yeux de la direction, d'être trop sensibles à la pression des travailleurs, trop nombreux, trop remuants.Elle leur reconnaît " un rôle d'expression utile " mais " ils n'interviennent pas sur le terrain de la régulation sociale ". C'est pourquoi elle préfère attribuer des heures " aux instances où se joue la régulation sociale : les organisations syndicales, les comités d'entreprise, lieux de consultation, et les CHSCT. "

Elle insiste aussi sur le fait que les syndicats devront se montrer loyaux, s'interdire la diffamation par voie de presse et respecter scrupuleusement les règles de confidentialité.

Elle se permet de dire qu'avec l'ancien accord, elle était très largement au-dessus de la loi. Mais rappelons tout de même que la loi minore le nombre des délégués du personnel dans les grandes entreprises puisqu'il n'est pas proportionnel à l'effectif et que surtout cela n'était pas gratuit de sa part. Cela correspondait à une époque qu'elle juge aujourd'hui révolue où elle préférait avoir affaire à des délégués plutôt que directement aux travailleurs.

Ces propositions ne reflètent pas le seul point de vue de la direction, les bureaucrates syndicaux aussi privilégient les institutions comme les CE, CCE et autres comités de groupe, les commissions paritaires de toutes sortes où lorsqu'on est en petit comité, entre gens responsables, le dialogue peut-être de qualité, " dans un contexte de respect mutuel ", comme le dit la direction.

Elle donne d'ailleurs de nouveaux moyens aux organismes dirigeants. Les secrétaires des CE des gros établissements deviennent permanents, (ils l'étaient de fait mais en additionnant des mandats), les délégués centraux également sont permanents, des postes de délégués centraux adjoints sont créés avec 80 heures de délégation.

Autre volet : des moyens financiers sont donnés centralement aux organisations syndicales. Une subvention annuelle d'un minimum de 300 000 F est attribuée à toute organisation syndicale ayant obtenu au moins 5 % des voix aux élections du CE, avec un maximum de 475 000 F pour les grosses organisations syndicales.

De plus, à titre provisoire pour une durée de trois ans, Renault, " compte tenu de la structuration actuelle du syndicalisme en France et notamment du rôle des fédérations syndicales nationales professionnelles ", versera une subvention de 600 000 F à chaque fédération. Ce dont se félicitent les représentants CGT, même s'ils déplorent dans le même temps que " cela ne peut justifier l'absence totale de moyens financiers pour les syndicats sur les sites ".

Les dirigeants de tous les syndicats y gagnent. Ceux de la CGT sont sans doute partagés. D'un côté, la mise au pas des délégués les plus remuants que prépare ainsi la direction n'est pas pour leur déplaire, eux qui ont quand même un peu de mal à faire entrer dans les moeurs la nouvelle CGT participative, négociatrice, novatrice. Mais d'un autre côté, ils voient très bien qu'ils ne sont plus les interlocuteurs privilégiés de la direction et que cet accord se fait à leur détriment. La CGT, si elle demeure la première organisation syndicale, est partout en recul et n'est plus majoritaire dans la plupart des établissements. Avec cet accord, la direction favorise surtout les autres organisations syndicales en faisant reposer la notion de représentativité, non pas sur les résultats des élections des délégués du personnel plus favorables à la CGT, mais sur ceux des élections au CE, où la CGT est battue en brèche au fil des années souvent par la coalition de tous les autres syndicats.

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