Pénurie de main-d'oeuvre ? Le patronat veut imposer des salaires plus bas et davantage de précarité14/07/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/07/une-1670.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

Pénurie de main-d'oeuvre ? Le patronat veut imposer des salaires plus bas et davantage de précarité

Alors qu'il y a encore officiellement au moins 2,5 millions de chômeurs, on entend de plus en plus souvent évoquer ce que les patrons appellent une " pénurie de main-d'oeuvre ". L'INSEE, dans une note où il déclare par ailleurs que " l'économie française tourne à plein régime ", signale ainsi que " 43 % des sociétés françaises éprouvent des difficultés de recrutement ".

Ce retrournement spectaculaire de situation serait dû à la diminution du chômage enregistrée ces derniers temps. On peut certes penser que, dans cette baisse claironnée mois après mois, tout n'est pas uniquement dû aux manipulations statistiques, qui de toute façon existent depuis déjà longtemps. Mais de là à présenter les choses comme si désormais les chômeurs n'avaient qu'à pousser les portes de l'ANPE pour rencontrer les patrons prêts à se battre pour les embaucher, il y a une marge que n'hésitent pas à franchir certains commentateurs ! Pourtant, selon les propres chiffres du ministère de l'Emploi, il n'y a vraiment que dans les secteurs de l'informatique et de l'hôtellerie qu'il y a plus d'offres d'emplois que de demandes. Ajoutons-y, pour faire bonne mesure, le bâtiment. Mais les effets de la tempête y sont pour quelque chose. Ailleurs, dans les grosses branches que sont la métallurgie, l'électricité ou les emplois de bureau, ce n'est pas du tout le cas.

Et puis, surtout, il y a emploi et emploi. Si ceux qui ont été supprimés ces dernières années sont la plupart du temps des emplois fixes, avec des salaires ayant pu évoluer avec l'ancienneté, ceux qui se créent sont le plus souvent des emplois précaires, et en partie à temps partiel, qui peuvent être remis en cause du jour au lendemain. Alors, même si le solde apparaît positif et permet au gouvernement d'annoncer des " créations d'emplois ", ce n'est pas pour autant que le budget des familles ouvrières s'en trouve amélioré ni que la misère diminue. On constate même le contraire. Et le patronat entend bien persévérer dans cette voie.

Car ces patrons qu'on nous présente pour ainsi dire le couteau sous la gorge à cause du manque de personnel ne vont pas jusqu'à augmenter les salaires à l'embauche pour attirer massivement les travailleurs dans leurs entreprises. Ils n'améliorent pas non plus les conditions de travail ou les horaires, bien au contraire. Ils n'ont pas davantage le souci de conserver cette main-d'oeuvre, à les en croire si péniblement acquise, par des contrats durables et des avantages liés à l'ancienneté par exemple. C'est même tout le contraire. Quand leur organisation, le MEDEF, parle de créer de nouveaux contrats, c'est pour transformer les CDI en exceptions au profit de statuts nettement plus précaires. La principale préoccupation de ce patronat, quand il embauche, reste encore de pouvoir licencier à sa guise, et pas de s'attacher les services des nouveaux embauchés.

Cela n'est paradoxal qu'en apparence. Car en fait, contrairement à ce qu'il voudrait nous faire croire, le problème du patronat n'est pas tant de manquer de main-d'oeuvre que de travailleurs corvéables à merci. Et ce qui se dissimule derrière les belles paroles sur " l'embellie économique ", c'est une nouvelle accentuation de l'exploitation.

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