" L'événement " que décrit dans ce texte Annie Ernaux, c'est un avortement auquel elle a eu recours en janvier 1964, à une époque donc où il était interdit. L'auteur s'attache essentiellement à tenter de reconstituer, aujourd'hui, la manière dont, jeune étudiante, elle a vécu et ressenti à l'époque les différentes étapes de cette épreuve.

Malgré des aspects narcissiques qui peuvent irriter, le récit demeure sobre, par moments touchant. Surtout, les difficultés rencontrées, l'atmosphère de clandestinité, de délit, sont autant de témoignages de l'hypocrisie et de la dureté qui prévalaient sur ce problème. On assiste ainsi à la quête désemparée de la jeune fille cherchant une adresse de quelqu'un pratiquant des avortements, à sa relative solitude et son ignorance, au mépris du médecin du service d'urgence où elle atterrit pour cause d'infection.

Et encore Annie Ernaux, pour qui les problèmes d'argent n'ont pas, dans cette circonstance, été un obstacle supplémentaire, s'en est-elle " bien tirée ", par rapport à des milliers d'autres femmes, en premier lieu bien sûr toutes celles qui y ont laissé leur vie.

Tout cela n'est pas si loin dans le temps, et tout cela n'est pas si loin dans les esprits de ceux qui voudraient bien revenir sur ce minimum que constitue la légalisation (partielle et insuffisante, d'ailleurs) de l'interruption volontaire de grossesse arrachée par les luttes des femmes.

Nelly MEYER

"L'événement", d'Annie Ernaux, Editions Gallimard, 115 pages, 72 F