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Dans le monde
Irlande du Nord : Émeutes et manoeuvres politiciennes
Le début de ce mois de juillet a été marqué par une vague d'émeutes qui a touché la plupart des quartiers ouvriers protestants des villes d'Irlande du Nord. Comme chaque année, c'est la question des marches protestantes traditionnelles qui en est le prétexte - ces marches au cours desquelles l'ordre maçonnique d'Orange (très structuré) sort étendards et uniformes de la naphtaline pour aller défiler dans les quartiers catholiques au rythme de chants haineux à l'égard des " papistes ".
Dans le passé, l'Etat britannique avait toléré, voire encouragé ces manifestations d'un autre temps, car il y voyait un moyen de creuser le fossé entre la majorité protestante et la minorité catholique, fossé sur lequel reposait sa domination sur la province.
Mais depuis que la mécanique du processus de paix est enclenchée et que, sous l'égide de Londres, les nationalistes irlandais du Sinn Fein acceptent de jouer le jeu " démocratique " malgré le maintien de l'occupation britannique, la situation a changé. Les marches des bigots protestants sont devenues de plus en plus gênantes pour le gouvernement Blair, soucieux de ne pas affaiblir les politiciens du Sinn Fein en fournissant des arguments à ceux qui, dans les rangs catholiques, estiment être les dindons de la farce dans ce processus de paix.
Du coup les marches protestantes sont devenues un instrument de chantage de la part d'une fraction des politiciens protestants pour obtenir plus de concessions de la part de Londres en échange de leur participation au processus de paix. Ils agissent de façon plus ou moins occulte au travers de groupes religieux comme l'ordre d'Orange ou d'organisations paramilitaires loyalistes (anti-irlandais) très visibles lors des émeutes de ces derniers jours.
Néanmoins, ces marches ne font plus autant recette qu'il y a quelques années. La majorité de la population protestante voit le processus de paix plutôt d'un bon oeil, d'autant qu'en dehors de la participation de ministres nationalistes au nouvel exécutif régional d'Irlande du Nord, celui-ci ne se traduit par aucun changement fondamental dans les relations entre la province et la Grande-Bretagne, tout au moins pour l'instant.
Et c'est ce manque de succès qui explique sans doute que cette année les groupes loyalistes aient cherché à faire monter les enchères en provoquant des batailles rangées avec la police.
Cette situation a été particulièrement marquée le 10 juillet, lorsque les dirigeants de l'ordre d'Orange ont appelé à paralyser la province entre 16 heures et 20 heures, en faisant grève et en manifestant dans les rues de la province. Dans les rares entreprises qui travaillaient après 16 heures, cet appel n'a rencontré aucun écho, sauf dans quelques-unes où ce sont les patrons qui ont fermé l'usine sous le prétexte hypocrite d'assurer la " sécurité " de leurs salariés. En revanche, dès 16 heures des barrages ont été formés le long des axes principaux par de petits groupes d'individus armés de barres de fer, essayant d'intercepter les passants et de confisquer les véhicules qui refusaient de s'arrêter.
Mais cette démonstration de force a vite tourné court, forçant les paramilitaires à se replier sur les quartiers protestants pauvres où ils se sont alors lancés dans une nouvelle nuit d'émeutes.
Il reste néanmoins un fait inquiétant, que ces émeutes ont souligné : le fait que les paramilitaires recommencent à recruter des troupes parmi la jeunesse des quartiers pauvres protestants. Au cours de ces dernières années, leur recrutement s'était quelque peu tari dans ce milieu. Mais avec la politique de l'Etat britannique visant à faire de l'Irlande du Nord une plate-forme de sous-traitance offrant une main-d'oeuvre à bon marché, la situation de la jeunesse ouvrière s'aggrave. Et c'est cette situation qui, en l'absence d'une organisation ouvrière offrant une perspective de classe à l'ensemble de la classe ouvrière de la province, protestante ou catholique, sert d'agent recruteur aux menées réactionnaires des groupes loyalistes.