Après Les cendres d'Angela dans lequel Frank McCourt racontait la vie difficile d'une famille ouvrière dans les taudis de la petite ville irlandaise de Limerick, ce nouveau roman plus ou moins autobiographique a perdu un peu de la verve du précédent, tout en lui donnant une suite. Le petit garçon, héros des Cendres d'Angela est devenu un homme. Le récit qu'il faisait, enfant, du monde des adultes en pleine dérive, possédait un humour spontané, aidant à surmonter toutes les détresses. Dans ce second roman, la spontanéité a laissé place à un style qui n'a plus tout à fait la même saveur et ne réussit pas à faire partager au lecteur la même émotion.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le jeune Irlandais sans le sou Frank McCourt partage ce rêve qui fait espérer à bien des pauvres des quatre coins du monde d'échapper à la misère de leur pays en s'exilant aux Etats-Unis. L'Amérique représente le mirage d'un monde d'argent facile à gagner et de liberté. Pourtant, à la question " C'est comment l'Amérique ? ", la réponse que trouve l'auteur du roman n'a plus rien à voir avec celle tant espérée. Débarqué à New York en 1949 à peine adolescent, il fait la dure expérience de la distance qui sépare le rêve de la réalité.

Frank McCourt livre au lecteur des tranches de vie recomposant le tableau d'une Amérique pas moins dure aux pauvres - en particulier émigrés - que l'Irlande de ses parents. " Comment pourrais-je écrire à ma mère, où à quiconque à Limerick, et raconter comment je vis dans ce riche pays avec deux dollars qui doivent me durer une semaine, la boule à zéro, les yeux amochés et une logeuse qui m'empêche de mettre la lumière ", se désole-t-il, quelque temps après avoir trouvé un mauvais boulot, mal payé, et un mauvais logement dans un quartier misérable. Interloqués, bien des émigrés, compagnons éphémères de l'auteur, découvrent ainsi qu'il y a des pauvres aussi en Amérique !

Frank fait tous les métiers pour survivre, envoyer un peu d'argent à la famille restée en Irlande et s'acharner vaille que vaille à faire des études. Il se retrouve mobilisé et, en 1952, envoyé en Allemagne. De retour aux Etats-Unis, il exerce les métiers qui se présentent avant d'obtenir de faire des études à l'Université et réussir à finir dans la peau d'un professeur de littérature bien peu orthodoxe, prenant ses aises avec un programme qui lui paraît totalement inadapté aux élèves qui sont les siens, tous issus des milieux populaires.

Par bien des aspects, c'est à l'Irlande ouvrière de son enfance que ressemble cette Amérique qu'il décrit non sans finesse, à travers les épisodes vécus du lendemain de la Seconde Guerre mondiale jusqu'en 1985.

L. P.

"C'est comment l'Amérique ?", de Frank McCourt. Editions Belfond, 395 pages, 129 F.