Le rêve du Medef : Chômeurs et corvéables à merci09/06/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/06/une-1665.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Le rêve du Medef : Chômeurs et corvéables à merci

La discussion entre le Medef et les organisations syndicales à propos de la réforme de l'assurance-chômage s'est conclue, pour l'instant, sur un changement de nom : le CARE deviendrait le PARE, ce qui changerait tout ou presque, dixit les organisations syndicales qui ont convenu, avec le Medef, un nouveau rendez-vous le 13 juin.

Que le Contrat d'aide au retour à l'emploi (CARE) se transforme en Plan d'aide au retour à l'emploi (PARE), n'empêche pas le Medef de maintenir à peu près intégralement son projet, à quelques détails près. Et cela même si la CFDT y voit un " dispositif d'aide au retour à l'emploi en train de mûrir " et si la CGT, qui jusqu'à présent avait dénoncé le projet, estime qu'il s'agit d'" un recul du Medef ", sans se hasarder toutefois à préciser où est vraiment le recul...

Les modalités concrètes de fonctionnement du PARE devraient donc être fixées le 13 juin. Mais cette machine de guerre anti-chômeurs - et qui plus largement concerne l'ensemble des travailleurs - reste dans son mécanisme telle que Denis Kessler, le négociateur du Medef, l'a voulue au départ. Il s'agirait pour le Medef, rappelons-le, de faire en sorte que dès janvier 2001, l'indemnisation du chômage soit calculée en fonction de chaque cas particulier, avec un engagement écrit, précis et très contraignant pour le chômeur visant à suivre pas à pas sa recherche d'un nouvel emploi, éventuellement en envisageant une formation s'il ne trouve pas dans sa qualification, mais surtout et dans tous les cas, assorti de sanctions financières s'il ne se décide pas dans un délai relativement court (de six mois à un an) à prendre l'un des emplois proposés. La transformation du CARE en PARE ne change rien à cela mais précise les sanctions accompagnant le refus d'un emploi : allocations réduites de 20 % pour le refus d'une première proposition d'embauche, puis suspendues pour un second refus et carrément supprimées pour un troisième.

Si ce projet se réalisait, il aboutirait à procurer plus encore qu'aujourd'hui, une main d'oeuvre à bon marché aux patrons, et cela dans les secteurs où ils en ont besoin, seulement quand ils en ont besoin, par le biais des contrats précaires, temporaires, partiels, etc., définis au gré des exigences de la production. Ce PAREfrapperait le plus durement, non pas les salariés les plus qualifiés et les mieux payés, qui en général ne restent pas longtemps sans retrouver un emploi à une qualification équivalente, mais bien les plus jeunes ainsi que les travailleurs les plus âgés et les moins qualifiés qui se retrouvent au chômage. Et en particulier pour ces derniers, l'exigence d'un bilan des compétences, d'un suivi par entretiens personnalisés, l'éventualité d'une reconversion, d'une requalification, n'ont aucun sens sinon celui de chercher les prétextes humiliants pour soit les contraindre à reprendre le premier emploi venu, aussi dur et mal payé soit-il, soit les priver de toute ressource.

Jusqu'à présent, les chômeurs indemnisés par l'Unedic ne touchaient qu'une somme modique mais ils conservaient au moins le choix d'accepter ou non les emplois éventuellement proposés. Avec le nouveau système, ils n'auraient plus le choix, les étapes du PARE étant obligatoires et se concluant nécessairement soit par l'acceptation du travail proposé soit par la suppression de toute indemnité de chômage. A l'heure actuelle, seuls quatre chômeurs sur dix sont indemnisés par l'Unedic, le RMI versé par l'Etat prenant le relais en fin de droits. Le projet du Medef, qui assure la présidence de l'Unedic et gère paritairement avec les organisations syndicales les caisses de l'assurance-chômage, se traduirait alors par un rejet vers les caisses de l'Etat de l'indemnisation d'un nombre de plus en plus important de chômeurs... fabriqués par le patronat.

Face à ce véritable coup de force que prépare le patronat contre les chômeurs et contre tout le monde du travail de ce pays, les organisations syndicales, soit s'apprêtent à donner leur aval au projet, soit appellent timidement, comme le fait la CGT, " les salariés et les chômeurs à se mobiliser dans les entreprises et localement pour peser sur la suite des négociations avec le Medef ". Mais c'est une riposte à la mesure de l'attaque qui serait nécessaire pour imposer que les patrons licencieurs paient des indemnités de chômage correctes, permettant de vivre décemment et non pas au bord de la misère, à ceux qu'ils jettent sur le pavé ; une riposte susceptible aussi d'obliger le gouvernement, au lieu de s'incliner avec servilité devant le patronat et de lui verser des subventions sous prétexte d'aide à l'emploi, à embaucher massivement dans tous les services publics, qui en ont besoin - ô combien -, pour qu'enfin le chômage recule de façon rapide et importante.

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