Haïti : Une parodie de démocratie sur fond de misère09/06/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/06/une-1665.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Haïti : Une parodie de démocratie sur fond de misère

En Haïti, le premier tour des élections législatives et régionales a finalement eu lieu le dimanche 21 mai. Selon les premières estimations, la participation dépasserait 60 % des quatre millions d'électeurs inscrits.

Il est trop tôt pour connaître les résultats de ces élections - d'autant qu'un deuxième tour est programmé pour le 25 juin - mais les observateurs internationaux, et en premier lieu les représentants du gouvernement américain qui avait multiplié les pressions pour que ces élections, initialement prévues pour novembre 1999 et repoussées à plusieurs reprises, aient lieu, se félicitent de ce " retour de la démocratie " en Haïti.

C'est faire peu de cas des multiples incidents, des assassinats, des locaux incendiés, de la distribution incontrôlée des cartes d'électeurs, des voix achetées pour quelques gourdes (la monnaie locale) par certains candidats qui ont marqué cette longue campagne électorale. Quant au déroulement des élections elles-mêmes, il a été jalonné de fraudes et d'irrégularités. Ainsi dans la Grande-Anse, un département du sud-ouest où les incidents ont été particulièrement nombreux, les élections ont tout simplement été repoussées. Ailleurs, de nombreux bureaux de vote étaient sous le contrôle des seuls représentants de " La Fanmi Lavalas ", le parti qui soutient l'ex-président Aristide, et là où ce n'était pas le cas, les hommes de main de ce parti n'ont pas hésité à chasser les délégués des autres partis lors du dépouillement.

C'est dire qu'en dépit des déclarations de la communauté internationale, le résultat de ces élections a bien peu de chances de refléter l'opinion d'une population qui d'ailleurs ne s'est guère passionnée pour les propos des candidats.

Il est vrai que, quelle que soit la mouvance politique qui sortira gagnante de ces élections bidon, le regroupement de cinq partis d'opposition dit " Espace de Concertation ", l'OPL (Organisation du Peuple en Lutte, qui regroupe des ex-alliés d'Aristide) ou plus vraisemblablement La Fanmi Lavalas, ses représentants auront surtout à coeur de se remplir les poches en détournant les fonds publics et l'aide internationale, tout en défendant les intérêts des possédants, et de se livrer à toutes sortes de trafics lucratifs.

En dehors des trois candidats présentés par nos camarades de l'Organisation des Travailleurs Révolutionnaires (OTR), aucun de ces politiciens n'a proposé d'écorner, ne serait-ce qu'un peu, les bénéfices des plus riches pour apporter un début de réponse aux immenses besoins de la population.

Pourtant, alors que les succursales bancaires et les magasins de luxe prolifèrent afin de satisfaire les besoins d'une poignée de riches profiteurs, la plupart des services publics sont laissés à l'abandon, qu'il s'agisse des hôpitaux, des transports, de l'entretien des routes ou du ramassage des ordures qui s'amoncellent dans les rues.

Dans les parcs industriels de la capitale Port-au-Prince, les patrons imposent leur loi et des conditions de travail dignes de l'esclavage à 37 000 travailleurs employés en sous-traitance pour l'industrie américaine. Les salaires y sont deux fois plus bas qu'en 1987 et s'alignent sur un minimum ne dépassant pas 720 gourdes, soit l'équivalent de 235 F pour ceux qui ont la chance de travailler un mois complet.

A cela s'ajoute l'insécurité causée par les attaques incessantes des hommes de main des partis politiques. Le parti d'Aristide, ex-président populaire chassé par un coup d'Etat militaire en 1991 et ramené dans les bagages des troupes américaines en 1994, n'est d'ailleurs pas le dernier à manipuler ces " chimères " pour rançonner la population et imposer ses vues. D'autant qu'Aristide et ses partisans souhaitaient repousser les élections législatives pour qu'elles se déroulent en même temps que les présidentielles prévues en 2001, afin d'assurer à celui qui brigue un nouveau mandat présidentiel une plus confortable majorité au Parlement. Et si Aristide et les siens se sont finalement résignés à laisser se dérouler les élections, c'est qu'ils ont pu en toute impunité - et avec la bénédiction des Etats-Unis et des centaines d'observateurs internationaux envoyés pour soi-disant contrôler le bon déroulement du scrutin - tout faire pour que le résultat leur soit favorable.

En fait, des élections ne peuvent être qu'une parodie de vie démocratique dans un pays où la population pauvre des villes et des campagnes ne jouit d'aucun droit et où la politique de l'impérialisme, tout comme des bourgeois locaux, l'enfonce dans une misère profonde.

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